Ah qu'il nous faut du courage pour se lancer dans la fosse aux lions ; il se dit et on le sait que la palme d'or fait des émules, surtout quand un film unit autant l'amour à la mort, on suppose que ce ne peut qu'être grandiose ; n'empêche qu'il faut tout de même une certaine résolution pour aborder le film car en plus de l'ennui et de la lenteur qu'on peut attendre, il nous faut surtout affronter la vieillesse et l'agonie.
Un jour courage me prend, gardant à l'esprit que le cinéma de Haneke est certes froid mais d'une maîtrise implacable, et Amour n'échappe pas à la règle : de bout en bout, dans chaque plan, dans le détail d'un appartement, jusque dans l'écriture de ses personnages, on trouve la méticulosité de Haneke à nous plonger dans un univers bourgeois et vieillissant. On peut aussi savamment souligner l'emprise du huit-clos sur le spectateur, entre un appartement qu'on veut fuir à tout prix et une diction parfois insupportable, le minimalisme et la cruauté des décors face à la fin de vie la plus inacceptable qui soit.
Oui mais voilà, dans sa grande maîtrise de la réalisation, Haneke oublie par moment le spectateur à trop vouloir le retenir prisonnier dans ce tableau. Le message, bien qu'honorable est pour le coup totalement dénué d'émotion (voulu certes), et à tellement structurer ce couple, aucune identification n'est possible (voulu aussi je suppose) ; comme si on lorgnait par le bout de la serrure la vie de gens qu'on ne voudrait pas être. Malgré la justesse d'appréhender la maladie et surtout la déchéance du corps, on peut se demander si ce n'est pas un problème de génération, car pour rien au monde on ne veut se refléter dans ce couple, alors qu'on sait que quelque part une fin similaire nous attend.
Du coup aucun espoir n'est permis, et cela je le déplore ; appeler Amour son film est autant une claque à la vie qu'à la définition qu'on a de l'amour à 20, 30, 50 ou 80 ans.
En soit le film ne souffre que de l'interprétation que chacun en a, et même si on entre en parfaite connaissance de cause dans le travail d'Haneke, toujours aussi bien sculpté, je ne suis toujours pas sure de l'intérêt du film.

LuluCiné
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le 17 août 2015

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