Plus qu'un film, "Andrei Roublev" est un condensé de vie saisie comme un songe, avec ses codes, son rythme, sa symbolique propres. Si l'histoire de l'itinéraire initiatique du moine et peintre Roublev se passe au XVème siècle, son récit, découpé en chapitres distincts comme les scènes d'un bas-relief, est intemporel. Les angoisses et les doutes de l'artiste, la foi du moine doivent traverser l'épreuve du réel et celle du silence pour s'affirmer comme l'acceptation éclairée d'une responsabilité ardente et étrangement pacifiée. Entre le XVe siècle de Roublev et le XXe siècle de Tarkovski, les questions existentielles sont les mêmes. L'art de les vivre et de les exprimer demeure individuel. Tarkovski capte dans la grandeur des paysages russes, le microcosme d'une flaque, le vent dans les feuilles d'un chêne, le frémissement d'un regard, le mouvement d'une main... la même immensité, le même feu, l'infini au cœur de tout un chacun. La Trinité peinte par Roublev : idéal d'amour, de bonté, de fraternité ? Autant de questions qu'affronte Tarkovski au fil de ses films en observant les hommes qui les traversent, leurs rêves, leurs rencontres, leurs failles, leurs peurs, leurs émotions...