Un clandestin débarque à Gênes.



Au milieu de la foule, dense et braillarde, il cherche un dentiste, rencontre une fillette et se fait faucher son portefeuille.


Le clandestin c’est Pierre, interprété par Jean Gabin, sans forcer. L’homme traîne un désespoir indicible comme une aura de mystère tout au long du film, pour finir d’une phrase de fausse désinvolture. Parti se livrer aux autorités, il a finalement faim et rejoint le restaurant le plus proche, où travaille Marta – excellente Isa Miranda. Tous deux ont sensiblement le même âge et semblent partager un malheur identique, tous deux se jaugent en silence et sourires. Tout passe dans les regards. Pierre sait qu’il devra continuer de fuir, mais il y a les grilles du port. Clandestin et sans papier, il ne peut rejoindre le bateau,



il est enfermé dehors, dans la ville.



Là où il est recherché. Là où il peut être reconnu, arrêté.


René Clément commence de répéter un schéma dans la construction de ses films. Simple. Après une première moitié dédiée à la mise en place des décors et des personnages, lente mais exhaustive et dense, un élément perturbateur annonce une seconde partie plus intense et plus active, le réel développement de la narration. Ici, l’aveu de Pierre à Marta, il a tué sa maîtresse, vient à la fois confirmer leur amour naissant et poser des questions sur leur avenir. Ensemble ou personnel. Au-Delà des Grilles évoque la reconstruction. Le couple marche la nuit au cœur des ruines de Gênes après les bombardements, on sent presque le froid et le vent. Quarante ans, seule avec un maigre salaire pour élever une fillette de dix ans. Quarante ans, en cavale après un meurtre passionnel et la prison comme unique horizon.
Au sortir de la guerre, comment se reconstruit-on ? Bénéficie-t-on d’une seconde chance ?


« Même les yeux ouverts, il faut espérer Pierre. »


Au-Delà des Grilles met en avant l’art de l’observation narrative de René Clément,



entre naturalisme et néo-réalisme,



son envie de filmer l’être humain au plus près de processus à la fois complexes à résoudre et simples d’accès parce qu’universels. Au-Delà des Grilles n’est pas un chef-d’œuvre, c’est la confirmation d’un cinéma naissant cependant, plus éloigné de la guerre que ses précédents métrages, mais imprégné des questions de l’existence. Concentré sur une question. Porté sur la dialectique plus que sur l’affirmation. La confrontation plus que la leçon d’évidence. Loin du divertissement, René Clément interroge.


      Matthieu Marsan-Bacheré

Créée

le 25 nov. 2015

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