Parcours initiatique d'un héritier en quête de raison de vivre

2005, Batman revient sur nos écrans. La dernière emprunte, c'était Schumacher et Georges Clooney qui l'avaient laissé dans un titanesque ridicule.
L'attente autour de Batman était à la fois grandissime et réservé. Nolan prend les commandes, à ce moment là, il n'a ni signé Le Prestige, ni Inception. C'est le premier Blockbuster de Christopher Nolan. Le risque est énorme : relancer Batman tout en lui redonnant une vraie aura. Le relancer ne sera pas forcément compliqué, lui redonner une vraie imagerie sera par contre plus compliquée...


Mais qu'importe, Nolan fait comme il sait le faire. Il construit son personnage et son film par incise, il introduit au fur et à mesure les éléments, les faits, les rencontres qui ont construit notre héros. Ce Batman - Begins est une vraie quête initiatique pour Bruce Wayne. C'est le seul super-héros qui aura eu la chance d'avoir une véritable épopée créatrice. Le film entier est la mise en abîme de la création du Batman de Nolan. Il le construit pièce par pièce avec une efficacité et une imagerie unique.
Comme l'avait fait Burton, Nolan donne une vraie identité visuelle à son Batman. Il reconstruit un Gotham City moderne, il déconstruit la vie d'un Bruce Wayne, il recrée son passé, son costume, ses équipements notamment. Mais plus que tout, il propose une Batmobile qui a une gueule terrible. Elle est ultra maniable, ultra efficace, elle se rapproche d'un engin militaire crédible.
On en arrive alors à toute l'idée de Nolan : faire de Batman un super-héros humain qui dépasse le carcan du héros classique. Batman est torturé par son passé (il ne l'a jamais autant été), c'est un raté, un moins que rien, un type en colère, rongé par la culpabilité...mais c'est au gré de ses périples, où il se retrouve à se voler lui même (comble de l'ironie), qu'il va trouver le moyen de lutter contre l'injustice et d'assouvir sa vengeance. Mais rien n'est s'y simple, son passé le rattrape. Bruce Wayne n'est pas qu'un vengeur, n'est pas qu'un assassin, il est aussi un homme d'honneur, un homme qui est d'abord ici pour faire le bien (parole de père). C'est au tournant de l'heure de son film que Batman atteint le premier pallier de sa création : la vengeance n'est rien de plus qu'une volonté personnelle, l'injustice en revanche, est l'affaire de sa vie, de sa ville.


Alors Nolan rentre totalement dans Batman, en lui donnant son costume, sa Batmobile, sa place dans la/sa société et dans sa ville. Bruce Wayne devient l'homme qu'il doit être. A travers sa première mission contre l'injustice on comprend de suite ce que sera Batman (enfin on pense comprendre) : un héros surentrainé, qui maitrise tout mais qui est d'abord furtif. Tout cela bien représenté par des plans de caméra qui suivent Nolan depuis. Un cinéma toujours en mouvement, en harmonie avec les personnages, qui met un point d'honneur à accompagner, à suivre et à se modeler au gré des mouvements de Batman. La caméra lui est tout acquise mais elle ne le suit pas, Batman entre et sort du visuel. On en trouve peu, aujourd'hui, de ses cinéastes qui ont une vraie identité visuelle, qui ne se reconnaissent que par leur manière de faire. Nolan en fait partie et Batman à la chance de l'avoir.


Mais si ce Batman est déjà un digne héritier de l'oeuvre de Burton, c'est aussi parce que Nolan, encore une fois, est un réalisateur qui, quasiment, renie le fond vert. Visuellement parlant, Batman en jette ! C'est nerveux et bruyant. Terriblement noir et violent. Affolant de coups et d'os brisés. C'est rapide et furtif. Cette première fuite en Batmobile est filmée avec une telle maestria ! Elle représente tout ce qu'est Batman : un sauveur, un justicier, sans pouvoir, qui est avant tout un homme (avant d'être un super-héros) qui lutte, comme tout le monde, contre le temps.


Qui peut-on donc encore donner de la valeur ajouté à ce Batman ? Son casting. Evidemment !
Christian Bale campe un Batman tonitruant, on peut en douter sur les débuts mais dés qu'il enfile le costume. C'est terminé. Il ferait oublier tout les Batman précédent tellement son regard et sa voix vont avec le personnage. Ce regard noir, dur, qui met parfaitement en exergue un passé qui lui triture l'esprit sans cesse. Ce côté torturé ressort beaucoup plus qu'avec Keaton et Kilmer d'ailleurs, Bale habite Bruce Wayne. Il est Bruce Wayne. Il est Le Batman.
Gary Oldman, Cilian Murphy, Liam Neeson, Michael Caine (exceptionnel en Alfred), Morgan Freeman, Katie Holmes, Ken Watanabe, et des seconds rôles aux têtes connus. C'est une constellation de très bons et mêmes d'excellents acteurs. Aucun personnage n'est laissé au hasard. Alfred, Monsieur Fox, Jim Gordon, chacun est construit au rythme et en parallèle de Batman. Parce que Batman n'est pas qu'un héros, c'est tout un univers, c'est tout une histoire.


Accompagné d'une BO zimmerienne impeccable sans être tonitruante pour ce premier opus. Une BO qui évoluera vers le mieux au fil des opus. C'est le thème centrale de celle-ci que je ne serais qualifié tellement elle accompagne à la perfection l'idée que Batman dégage.


Je pense que ce Batman - Begins prend de la valeur une fois que la trilogie se termine, une fois que la boucle est bouclée. On comprend alors tout ce que Nolan à voulu montrer dans ce Begins. Il n'a pas fait qu'un film. Il a construit un héros, de ses plus petites feuilles, il a emmené Batman à son apogée pour ensuite le déconstruire minutes après minutes. Begins est pensé pour être le prélude à quelque chose. C'est avant une quête initiatique, c'est le parcours créateur et identitaire d'un héros nécessairement violent et torturé. L'introduction et la création à travers un premier combat contre son propre créateur (Ra's al Ghul), de sa quête insatiable de justice mais surtout de sa mission première : sauver Gotham de la destruction. Au travers d'une machination destructrice, Batman doit sauver Gotham de la Ligue des Ombres et du psychiatre (Crane). Sa première mission lui montrera toute l'étendue de ses possibilités, mais aussi toutes les limites imposées par son honneur, mais aussi toutes les menaces qui pèsent sur une ville gangrénée par le crime et l'injustice.
Tourmenté et valeureux, Batman - Begins est un premier opus unique en son genre, le seul qui s'attache à construire filament par filament son héros. Le premier opus d'une trilogie unique qui est déjà au panthéon des super-héros mais qui est aussi bien plus que cela. Mais c'est surtout un premier opus qui introduit magnifiquement ce qui sera, à mon humble avis, la quintessence super-héroïque : The Dark Knight. Tous les défauts que l'on pouvait trouver à Begins sont corrigés dans cette suite, The Dark Knight est l'apogée d'un style. Si ce dernier est aussi bon, c'est aussi parce que Batman - Begins avait tout construit juste avant, rendons à Nolan ce qui est à Nolan : ce Begins est une introduction riche de contenu, formidablement bien construite et visuellement impressionnante, disposant d'une vraie identité tant visuelle que sonore. C'est surtout Le Commencement d'une nouvelle ère !

Halifax

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