Du blanc au noir... De la raison à la folie.
Ce Black Swan tombe dans tous les excessifs et c'est ce qui fait sa force, Darren Aronofsky pousse tout à son paroxysme pour nous délivrer un film ultra-tendu à la fois sombre et tourmenté. Et même si le réalisateur nous avait montré une image plus lisse de sa personnalité lors de son The Wrestler force est de constater qu'il ne peut s’empêcher de nous asséner des patchworks d'émotions extrêmes, sans demi-mesures, comme le sont Requiem For A Dream et The Fountain.
Retour donc à une mise en scène beaucoup plus mouvementée avec des mouvements de caméra excessifs contribuant à une plongée sans équivoque vers la folie qui commence à incarner le spectateur en même temps que la tendre et douce Nina. Elle qui n'avait qu'un rêve, celui de jouer le lac des cygnes, cette jeune fille si pure, au caractère timide, étouffée par une mère si possessive, se dépasse ici sous la caméra tournoyante et démente du réalisateur américain.
Aronofsky décide donc de mettre en image ce qu'il décrit comme un conte de fée, un conte de fée certes cauchemardesque mais un conte de fée tout de même et tout est là pour plonger le spectateur dans cette épopée psychologiquement très dure, à commencer par cette ambiance pleine de vide et de sous-entendus, cette mise en scène composée de plan très resserrés et instables, de cette musique grandiloquente qui va tantôt chercher ses morceaux chez Tchaikovsky tantôt dans les variations et accompagnements de Clint Mansell, un des piliers de la musique d'ambiance.
Et Darren Aronofsky poursuit sa quête vers la paranoïa de la plus belle des manières, malheureusement non sans quelques lourdeurs. Il multiplie les jeux de miroirs, les plans iconiques et diverses références, pour nous emmener dans un désenchantement des plus total. Et la mesure psychologique prend tout son plein lorsqu’on s’approche du final, le réalisateur se permet tout, entreprends tout ce qu'il a en tête pour nous faire perdre la boule autant par des tromperies visuelles que ses diverses séquences de caméra subjective.
Cette quête vers la perfection est menée par une Natalie Portman déroutante, sa fragilité desservant à la perfection ce genre de rôle, sa petite voix fluette se révèle être déconcertante, asile de fragilité au milieu de toute cette noirceur. Elle accompagné dans sa quête par Mila Kunis, son coté plus diabolique, le regard charmeur, le rire glaçant et la présence inquiétante. Et pour finir Vincent Cassel très froid dans son rôle, froid mais exigeant avec lui-même, il campe avec charisme le rôle du maître à danser.
Qui d'autre que Darren Aronofsky serait capable de nous proposer une oeuvre aussi radicale et grandiloquente ? Probablement pas grand monde et c'est ce qui fait de Black Swan un film unique et marquant. Le réalisateur pousse ses principes à leur paroxysme, on ne lui enlèvera pas cependant ses petites lourdeurs qui lui sont inhérentes mais l'oeuvre finale reste d’assez haute volée.