Il est intéressant d'observer Black Swan à la lumière du précédent film du réalisateur, The Wrestler. Même fascination pour le corps, la souffrance, la solitude, la destinée. Rourke et Portman, autant que leurs personnages mettent leurs corps au service de la caméra d'Arronofsky et de la mise en scène, celle du réalisateur et celle du récit. Le catch et la danse sont autant de raisons de vivre pour les deux personnages. Dans les deux cas, c'est une chorégraphie funeste qui a pour finalité la recherche d'un absolu. Là où le traitement diffère en revanche, c'est quand Arronosky présente les coulisses, hors du ring les catcheurs sont amicaux et bienfaisants, à l'inverse, dans le ballet, c'est la rivalité qui domine, jusqu'à l'angoisse.
Black Swan n'est plus ni moins que l'histoire d'une jeune fille qui atteint la puberté narrée du point de vu du la fille en question, s'en suivent toutes les mutations du corps, la naissance des pulsions, l'abandon de la précédente enveloppe corporel, et l'envol du nid maternel. Cette transformation s'accompagne d'un questionnement identitaire et d'une remise en question de l'image de soi (le miroir), ainsi que de souffrances physiques (saignement, corps qui change..). Arronosky calque sur ce schéma de l’émancipation d'une jeune fille celui du Lac des Cygnes ce qui conduit à une mise en scène mêlant le ballet lui même, la vision de Nina, et le regard d'Arronosky lui même.
Voila pour le fond.
J'ai plusieurs reproches à formuler sur la façon dont Arronovsky raconte cette histoire.
Le premier concerne le personnage de Nina qui pleurniche du début à la fin et peine à se rendre intéressant, j'ai du mal personnellement à m'identifier aux problèmes de ce personnage ni à ressentir un quelconque intérêt pour lui et son destin tant il m'est antipathique (au delà même du fait que je soit insensible au ballet).
Deuxième reproche, le traitement du personnage et de sa folie par le réalisateur, alors que la caméra nous montre ce que voit Nina on a pourtant toutes les peines du monde à se mettre à sa place et on ne voit qu'une folle névrosée se transformer en poulet au fur et à mesure que le film avance. Après Requiem for a dream et The Wrestler ça semble être une constante chez ce cinéaste que de filmer la déchéance de ses personnages de façon spectaculaire sans jamais qu'il soit possible d'y faire quoique ce soit. Darren filme de façon grandiose quelqu'un qui sombre mais lui est toujours absent, en retrait, protégé derrière l'objectif, presque content de lui mettre des bâtons dans les roues.
Enfin j'ai un réel problème avec ce parti pris de l'explicite, comment traiter de thèmes aussi sensibles et psychologiques que ceux que j'ai évoqué avec aussi peu de subtilité ? L'omniprésence de miroirs, de dualité chromatique, dans la composition des plans, les bruits de volailles quand Nina se regarde dans la glace...Pourquoi montrer quand on peut suggérer ? Pour en mettre plein la vu, on l'aura compris.
Je ne suis jamais rentré dans le film tant l'entreprise me paraissait courue d'avance aux vu des choix artistiques du réalisateur. Bref, tout ça pour ça ?