J'ai toujours eu un sentiment étrange vis à vis d'Aronofsky . Si j'ai toujours apprécié son travail sur un plan technique, j'ai toujours eu du mal, et ai encore du mal, avec le propos de ses films. L'exemple parfait est Requiem For A Dream que je considère comme étant à la fois condescendant et arrogant. Un autre défaut qui me vient à l'esprit en parlant de ce réalisateur, c'est son manque de finesse.

Et si depuis de The Wrestler je trouve ses films moins arrogants, force est de constater qu'Aronofsky a toujours la main lourde, et c'est vraiment dommage lorsque l'on veut se frotter à un thème comme celui de Black Swan.

Ce n'était pas du point de vue technique que j'attendais ce film, parce que je savais que de ce côté là, il serait plus ou moins irréprochable, et ça n'a pas manqué. Ce n'est pas non plus du point de vue des acteurs que je l'attendais. Darren a déjà montré qu'il savait diriger ses acteurs, et il le prouve une fois de plus ici. Portman livre une prestation exceptionnelle et à travers son personnage porte le film sur ses épaules de très belle manière. C'est aussi plaisant de voir un Vincent Cassel qui ne sur-joue pas et qui rend une très belle copie. Ce n'était pas non plus du côté de la musique que résidaient mes craintes : Clint Mansell livre à nouveau une superbe partition.

Non, c'était vraiment du côté du contenu et du développement des thématiques que je craignais pour Black Swan. Et si le développement de Nina m'a plu, ce personnage qui devrait être une femme mais qui du fait de l'exigence de son métier n'a pas pris le temps ou a tout simplement oublié de grandir, et qui se retrouve obligée de le faire en vitesse accélérée jusqu'au final que l'on connait, le développement de la folie dans Black Swan laisse un sale arrière goût dans la bouche.

Comme je l'ai dis au début de cette critique, cette thématique requiert une certaine finesse, et requiert aussi un réalisateur qui a le courage de lâcher la main de ses spectateurs pour mieux les plonger dans la démence. Ici Aronofsky n'a eu ni l'un ni l'autre. La scène du tunnel et les jeux de miroirs illustrent parfaitement cela. Quel intérêt ? Et cela fait énormément penser à une scène de The Wrestler, elle aussi très décevante : Quand Rourke va travailler pour la première fois en tant que vendeur, il traverse la réserve du magasin comme s'il se rendait sur le ring. Et ça, c'était très bien vu. Sauf qu'il s'était senti obligé d'y ajouter le son des spectateurs qui exhortent le Ram, et ça, c'est beaucoup trop dirigiste. Et c'est exactement ce qu'on peut reprocher aux deux scènes citées plus haut : Aronofsky prends toujours son publique par la main, et que ça soit une forme de condescendance ou une simple peur de le perdre en route, le résultat est le même : on a cette sale impression de se faire prendre pour un quelqu'un qui a besoin qu'on lui explique tout dans les moindres détails, alors que c'était pourtant déjà très clair sans ça.

Et là on ne peut pas s'empêcher de faire un parallèle avec un film que le réalisateur apprécie particulièrement : Perfect Blue de Satoshi Kon. Dans ce film, Kon accepte de perdre son spectateur en route, et le laisse plonger en même temps que son héroïne dans la démence. Kon aborde la folie avec plus de nuances, plus de subtilités. Et ça dans Black Swan, malheureusement, on ne le voit qu'une fois : Pendant le spectacle final, avec ce qui se passe en off-stage, dans la loge de Nina. Et là, pendant le film, on sent du Perfect Blue, on se laisse enivrer par la folie du personnage, et cette folie en devient presque jouissive, et lorsque Nina retourne sur scène interpréter le cygne noir, on est exactement dans le même état d'esprit qu'elle. Et en voyant ça, on se dit : quel dommage que ça ne soit pas plus présent dans le film. Parce que la seule fois où on se fait lâcher la main, le film décolle enfin.

Black Swan est comme tous les films du réalisateur, un bon, voire un très bon film. Et ce réalisateur pourrait enchaîner les chefs d'œuvres avec un peu plus d'humilité et de finesse. Mais quand on en sort, on ne peut pas s'empêcher de se dire : au lieu d'être simplement un bon film, ça aurait pu être très grand film. Comme toujours avec Aronofsky d'ailleurs. Ce qui ne m'empêche pas d'attendre avec impatience son Wolverine.
Wintermute
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le 28 févr. 2011

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