Une déclaration d'amour maladroite pour l'art de rue

Un premier film, des acteurs(trices) amateurs avec comme sujet le hip-hop, ça me motive forcément, à tel point que c'était "ma" sortie du mercredi devant Everest et Knock Knock, de sacrées références, non ? L'attente était peut-être trop grande malgré l'absence de communication autour du film, projeté la semaine précédente au Cinéma Etoile Lilas de Paris. Une sortie confidentielle comme La vie en grand, la semaine dernière, à la différence que Brooklyn est beaucoup moins réussi.


Coralie aka Brooklyn (KT Gorique) est une jeune rappeuse Suisse. Elle quitte son pays pour venir habiter à Paris, loin d'un père avec lequel elle ne s'entend plus. Elle va trouver un job dans une association de Saint-Denis où elle va pouvoir exprimer son talent, mais aussi sa rage.


Les bonnes intentions font-elles forcément un bon film ? Parfois, mais pas dans ce cas-là. Pour son premier film, Pascal Tessaud; réalisateur de documentaires; a voulu rendre hommage à un art qu'il affectionne et une ville où il a grandit. Il a construit son film comme un morceau de rap underground, en évitant le strass, les paillettes, les bitchs, la drogue, etc.... Il a voulu donner une image positive du 93 et du hip-hop. A ce niveau-là, le film est réussit avec une absence de vulgarité, de violence et de caricatures, qu'affectionne les médias et le FN. Il montre un visage sympathique de sa banlieue, sans pour autant omettre les petits délits et les difficultés financières pour survivre à Saint-Denis, mais aussi à Paris et finalement, un peu partout dans notre belle France.
Il réalise son film comme un documentaire, en tournant caméra à l'épaule, au plus près des visages en laissant les alentours dans le flou. On ressent ses influences comme John Cassavetes, Ken Loach où Maurice Pialat. Un cinéma social, au plus près des personnages, mais encore faut-il qu'ils soient intéressants, comme l'intrigue. C'est là que le bât blesse, avec une absence de personnages consistants et un scénario profond.


C'est du cinéma guérilla : un petit budget, acteurs amateurs, de l'improvisation et tourner sans autorisation. Cela se voit, se sent et surtout ça pénalise les dialogues souvent creux. On frôle l'amateurisme, ce qui n'est pas une surprise, vu que l'équipe est composée de bénévoles. Mais le film n'arrive pas à convaincre et sonne creux.
La performance de KT Gorique sauve le long-métrage, même si la réalisation est dans l'ensemble intéressante, c'est elle qui porte le projet. Au début, on est pas vraiment convaincu par ses performances au micro, comme par celles des autres. Bien sur, on est pas face à des pros, mais à des talents bruts à polir. Après une première apparition sur scène, elle va s'imposer aussi bien derrière le micro, que devant la caméra. On est fasciné par cette jeune femme évoluant dans un milieu machiste. Son talent parle pour elle, car elle est "vraie".


Son semblant d'histoire d'amour avec Issa (Rafal Uchiwa), est un désastre à tout les niveaux. Il sert surtout de prétexte à mettre en opposition deux talents. Il est talentueux, mais ne rêve que d'argent. Elle est talentueuse et ne rêve que de prendre le mic pour parler de ses joies et peines. C'est le rap bling-bling, face à celui underground. Celui qui s'invente une vie, face à celui qui parle de la vie. Le bien contre le mal. Le Ying contre le Yang et autres duels pour ne pas sombrer du côté obscur de la force.
Dommage qu'en dehors de KT Gorique, il n'y a pas de personnages intéressants, où alors superficiellement. En voulant être "vrai", le film finit par être plat. On aurait voulu être happé par le parcours simpliste de son héroïne, mais sans sa présence et son énergie, le film manque cruellement de rythme. Ses performances sur scène sont impressionnantes, mais aussi dans ses escapades nocturnes et son quotidien. On vibre avec elle, au rythme de ses rimes, de ses pas et de sa joie de vivre.


C'est une oeuvre mineure, mais surtout une déclaration d'amour maladroite pour Saint-Denis et le hip-hop. Le genre de film qu'on a envie d'apprécier, pour son sujet, ses conditions de tournage et la bonne volonté du réalisateur et de son équipe. Malheureusement, cela ne suffit pas, mais c'est un premier film, alors on attend la suite en la souhaitant meilleure.

easy2fly
5
Écrit par

Créée

le 23 sept. 2015

Critique lue 993 fois

5 j'aime

3 commentaires

Laurent Doe

Écrit par

Critique lue 993 fois

5
3

D'autres avis sur Brooklyn

Brooklyn
BrigitteContois
8

Un projet réussi

Un film tourné par passion et revendication qui mérite d'être soutenu et vu. Pascal Tessaud a essayé et a réussi et donne au rap/slam/hip hop français le cachet qu'il lui faut. Les situations...

le 24 sept. 2015

3 j'aime

Brooklyn
constancepillerault
7

Critique de Brooklyn par constancepillerault

Bien que pas spécialement fan de rap et de slam, voilà un film que j'ai apprécié. Il décrit le parcours d'une jeune femme qui arrive à Paris pour vivre pleinement sa passion du rap , sans avoir...

le 10 nov. 2019

1 j'aime

Brooklyn
OskarNewon
7

Gloire à l'art de rue.

Je ne suis pas du tout amateur de la culture urbaine, c'est pas du tout dans mes goûts. Je dois donc avouer que j'ai été plutôt agréablement surpris. L'actrice principale, KT Gorique, livre une...

le 25 juin 2016

1 j'aime

4

Du même critique

It Follows
easy2fly
4

Dans l'ombre de John

Ce film me laissait de marbre, puis les récompenses se sont mises à lui tomber dessus, les critiques étaient élogieuses et le genre épouvante, a fini par me convaincre de le placer au sommet des...

le 4 févr. 2015

63 j'aime

7

Baby Driver
easy2fly
5

La playlist estivale d'Edgar Wright à consommer avec modération

Depuis la décevante conclusion de la trilogie Cornetto avec Dernier Pub avant la fin du monde, le réalisateur Edgar Wright a fait connaissance avec la machine à broyer hollywoodienne, en quittant...

le 20 juil. 2017

56 j'aime

10

Babysitting
easy2fly
8

Triple F : Fun, Frais & Fou.

Enfin! Oui, enfin une comédie française drôle et mieux, il n'y a ni Kev Adams, ni Franck Dubosc, ni Max Boublil, ni Dany Boon et autres pseudos comiques qui tuent le cinéma français, car oui il y a...

le 16 avr. 2014

52 j'aime

8