Si tous les redoublants avaient ce niveau...

Dans ce monde où Les Seigneurs et Resident Evil Retribution règnent au box-office, il y a heureusement une petite touche de fraîcheur qui subsiste. C'est le cas de Camille redouble réalisé et interprété par la française Noémie Lvovsky. Il s'agit là du premier film où elle se met en scène pour incarner une femme d'une quarantaine d'années qui se retrouvera projetée dans le passé durant l'année de ses 16 ans. Un synopsis un peu similaire sur le papier à Peggy Sue s'est mariée de Coppola ou encore à 30 ans sinon rien (oui oui j'assume, j'ai vu ce film...), une idée de départ assez originale sans l'être en somme. Et pourtant, Lvovsky montre qu'avec de la passion, du talent et des idées on peut réussir à accoucher d'un film de qualité.



Sans la raconter en détails pour ne pas gâcher l'effet de surprise, la scène d'introduction est réellement géniale, drôle et inattendue. D'emblée le film était parti pour me plaire. Cette scène à la relative légéreté constitue d'ailleurs l'entrée en scène du personnage de Camille, quadragénaire un peu paumée qui peine dans sa vie professionnelle et sentimentale puisqu'elle est en pleine procédure de divorce avec son premier amour Eric rencontré au lycée.
On a donc affaire ici à une protagoniste mal dans sa peau et qui noie son chagrin dans une consommation excessive d'alcool. Lvovksy arrive tout de même à ne pas rendre le tout trop pathétique même si ce genre de séquences sent un peu le réchauffé. Invitée à une soirée de nouvel an par ses anciennes amies de lycée, Camille va brusquement se retrouver plongée dans son adolescence. "Koman sa sfé?", bah aucune idée... Mais bon on s'en fout non?

Ce qui est assez magique dans ce film c'est que Noémie Lvovsky incarne tout aussi bien la Camille des années 2000 et celle des années 80 sans que cela choque. Il y a quelque chose qui s'opère et l'actrice reste étonnamment très crédible dans le rôle d'une adolescente. On croit qu'elle a vraiment 16 ans. Elle conserve la conscience et les souvenirs de la femme de 40 ans qu'elle est réellement mais retrouve la candeur de la fille qu'elle était des années auparavant. On la voit retrouver ses copines et ses parents qui sont décédés dans son "monde réel". L'occasion pour Noémie Lvovsky d'aborder le thème de la famille avec douceur et tendresse.

J'ai trouvé ça touchant d'ailleurs de la voir renouer des liens avec sa famille aujourd'hui disparue et ainsi qu'avec son innocence de l'époque alors qu'elle sait très bien ce qu'il se passera par la suite. C'est d'ailleurs pour cela qu'elle fuira desespérement Eric, doté d'une tignasse très marquée 80's qu'il arbore fièrement, puisqu'elle connait la fin de son histoire d'amour.

Cette fuite forcée donne lieu à une situation cocasse. Eric ne connait pas encore Camille et celle-ci le fuit avec insistance, faisant naître en lui une véritable fascination pour la jeune fille. Le pauvre mec ne demande rien, et elle le considére presque comme une personnification du choléra. S'ensuit alors un mix entre jeu de séduction et jeu du chat et de la souris entre les deux jeunes gens (façon de parler, les acteurs ont la quarantaine). Les péripéties qui en découlent sont très plaisantes.
Il est amusant de constater que Camille repousse Eric sans relâche sans s'empêcher d'être terriblement attirée par lui, revivant ainsi les émotions de ses 16 ans. Sans le vouloir elle sera toujours confrontée à celui dont elle sait qu'elle passera de longues années d'amour avant une fin inéluctable. C'est un peu ce qui caractérise l'être humain après tout, on a tendance à aimer ce qui peut nous faire du mal.



Camille qui connait le cours de sa vie qu'elle juge médiocre tentera de faire changer les choses concernant Eric bien sûr mais aussi la vie de ses parents et de ses amies. Cela nous donne l'occasion d'y réfléchir également. Et nous, si nous retournions dans notre passé changerions-nous quelque chose?
Cette recherche d'une nouvelle orientation de vie donne vraiment un caractère touchant au film. Camille espère changer les choses qui ont touché à sa propre histoire mais le caractère fataliste l'emportera de temps en temps. Si le film conserve une bonne dose d'humour et de fraîcheur, il y a quand même une part de tristesse non négligeable. Mais rien ne choque, Noémie Lvovsky sait parfaitement combiner les émotions pour en ressortir finalement quelque chose de fort. Puis il n'y a pas de violons.

Ce que Lvovsky fait, ce n'est pas réaliser le fantasme du changement intégral de vie. Elle montre juste une femme qui va faire la paix avec son passé, lui dire au revoir et dire au revoir également à ses proches dont elle connaît la fin. C'est juste beau, sincère, personnel. Il y a dans ce film une indéniable touche poétique qui a su me toucher. Le petit reproche que j'aurais à faire c'est que la vision de la jeunesse me paraît un peu clichée mais ce n'est pas trop important.

Lvovsky et Guesmi forment un duo solide. Et les seconds rôles ne sont pas en reste. Ca fait du bien de revoir Jean-Pierre Léaud, et la courte apparition de Mathieu Amalric est très drôle. Sa réplique de la pucelle hystérique m'a juste tué. Podalydès tient également campe également avec métier un professeur tout aussi ambigu qu'émouvant.
J'ai beaucoup aimé également les parents de Camille, à savoir Michel Vuillermoz et Yolande Moreau. Des interprètes aux jeux simples mais qui ont su me percuter. Ils incarnent à merveille des parents un peu dépassés mais tendres et aimants, toujours prêts à soutenir leur fille malgré le lot de conneries qu'elle peut bien réaliser.

Noémie Lvovsky n'a pas réalisé un grand film, les idées y sont, la mise en scène est un peu légère cependant et l'histoire s'appuie un peu trop sur du lieu commun. Mais d'un côté elle sait faire naître des émotions, les faire revivre même. C'est poétique, frais et en fin de compte ça se regarde sans faim et on en ressort le sourire aux lèvres. Puis le traitement est assez intelligent, on a quand même affaire à du cinoche de qualité.

Le (vrai) cinéma français va bien et ça fait plaisir de voir un film comme ça baignant parmi les blockbusters bien gras et autres beauferies françaises (qui a dit Les Seigneurs?). Et en plus c'est un film divertissant et très accessible, pas besoin d'utiliser en masse sa matière grise pour comprendre et aimer cette oeuvre. Pour ma part, Camille redouble décroche les encouragements au tableau d'honneur.
Moorhuhn
7

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le 10 oct. 2012

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Moorhuhn

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