Chronique d'une semi-déception

Quand on étudiera le cinéma dans quelques décennies, on parlera du genre found-footage comme un genre célèbre du début du XXIème siècle alors qu'en réalité, on sature complètement de ce procédé qui n'innove plus depuis belle lurette. Si des films comme Blair Witch ou [Rec] en sont les dignes représentants (éventuellement Cloverfield), force est de constater un régressement au niveau du genre (la saga sans fin Paranormal Activity, Chroniques de Tchernobyl, Atrocious, Apollo 18 ou encore Le Dernier Exorcisme). De plus, on constate trop souvent ce genre dans des productions d'horreurs et d'épouvantes.

A contre-courant, Chronicle se réapproprie la mise en scène caméra amateur et l'utilise dans un film de science-fiction pour se démarquer de cette tendance dans le genre horreur. L'idée est intéressante, et puis le film ne s'appuie sur aucun super-héros existant, on peut appeler ça de l'originalité à l'heure actuelle. Le synopsis rappellera forcément des séries types Heroes ou Misfits mais se démarque par son traitement. Ce n'est pas tant le combat bien/mal qui prévaut mais la façon dont les jeunes vont se servir des pouvoirs qu'ils leur sont conférés.

Et c'est là que l'utilisation d'une caméra amateur donne un sens au scénario. Le procédé permet d'entretenir un certain mystère autour de l'attribution des pouvoirs aux trois adolescents. Quel est ce caillou bleu ? Qu'est ce qu'il fait là ? D'où peut-il provenir ? Verrons nous des extraterrestres ?

Chronicle présente autre chose qu'un film de super-héros. La première partie se focalise sur nos trois héros et la vie universitaire faite d'autant de clichés que possibles (les personnages principaux sont un nerd martyrisé par une grosse brute du lycée, un adolescent charmeur et un noir charismatique (Obama ?)). Outre la vie universitaire, le plus intéressant reste le traitement des personnages découvrant leur pouvoir. Ils n'ont pas ce sentiment comme d'autres films de type Marvel d'avoir affaire à un don, ils ont simplement été là au bon (mauvais?) moment, au bon endroit. Ils s'attachent donc à s'éclater, déconner, se ridiculiser avec leurs pouvoirs. En fait, on dirait des gamins qui découvrent un nouveau jouet. C'est une autre approche et ça ajoute une certaine dimension réaliste sur la génération actuelle.

Chronicle, avant d'être un film de super-héros, c'est surtout un film sur l'adolescence, le mal-être, le désir de destruction, de domination. Lorsqu'on est martyrisé toute sa vie, et la chance d'avoir de tels pouvoirs, ne voit-on pas enfin l'occasion de se venger ? D'utiliser ses pouvoirs pour faire payer le monde de son infamie ? La frontière du bien et du mal n'est finalement pas si éloigné.

Et puis la mise en scène amateur est bien utilisée pour une fois. Si le motif de se balader avec une caméra jusqu'en cours est ridicule (plus voyeur que ça, tu meurs !), le procédé permet quelques plans inventifs : Notamment ces instants où la caméra flotte dans les airs et capte des moments dans des angles inédits. Pourtant Chronicle s'emmelera les pinceaux avec ce procédé dans la dernière partie du film. Du coup, sans une once de subtilité, la mise en scène redevient classique, et fait appel par moment à des extraits intéressants provenant de caméra de vidéos surveillances. Mais concrètement, ce changement brusque fait pêrdre toute crédibilité à ce film qui jouait la carte de la caméra amateur et qui finalement ne peut tenir réellement ses promesses.

Narrativement parlant, le film va trop s'imprégner de ces clichés que j'ai cité précédemment. Lorsque l'université est évoqué dans les productions américaines, il ne faut surtout pas oublier les beuveries, le sexe, lesdialogues débiles, etc.). La seconde partie du film fait ainsi figure de déception la plus totale tant les bonnes idées de départ sont annéantis par un scénario écrit à la ramasse. Outre un changement de comportement quasi-fulgurant du caméraman amateur, le jeu des acteurs n'arrive pas à convaincre. La psychologie du personnage principal est travaillée de manière à le rendre prédéstiné à devenir le "mal" alors qu'il aurait mieux valu le rendre plus compréhensible, dans l'eventualité d'un twist bien mieux amené. Le traitement aurait dû se focaliser sur à donner des éléments de compréhension de son brusque changement. Ce comportement maléfique renvoit d'ailleurs à Anakin Skywalker, où Chronicle fait souvent référence à la célèbre saga de science-fiction. Enfin, la lutte finale est juste indigne de la première partie et tombe dans le ridicule le plus total, même si l'esthétique visuelle de certaines scènes est bien travaillée. Mention tout de même à ces effets-spéciaux relativement réussis.

Concrètement, ça se sent que Chronicle est rempli de bonnes intentions. Le film dévoile quelques caractéristiques de la génération New Prom Night (l'importance immense de la popularité) et se dote d'une bonne idée de base mais qui se révèle finalement peu exploité (c'est insuffisant 1h30 pour un sujet de super-héros !) et malheureusement trop stéréotypé. Tellement dommage car il y a de bonnes idées de mise en scène, d'une réflexion autour de l'adolescence mais finalement, peut-être rédigé à la va-vite, c'est le scénario inégal et grotesque qui joue en sa défaveur.

On aurait pu assister à une bonne surprise façon Kick-Ass. Mais il ressort seulement de ce Chronicle, l'amère déception d'un film qui aurait pu marquer l'année et donner les outils à Josh Trank pour démarrer un second film sur de bons retours.
Softon
5
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Créée

le 8 oct. 2012

Modifiée

le 27 mars 2013

Critique lue 513 fois

7 j'aime

Kévin List

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