Ce film est une petite surprise sur un plan tout à fait personnel, car n'étant pas un fan absolu du groupe (encore que, l'écoute toute récente de l'EP "An Ideal For Living" m'a donné quelques frissons, notamment No Love Lost, morceau qui illustre la scène où il sort dans la rue avec la mention HATE peinte sur son blouson), je m'attendais à rester relativement insensible à ce qu'on allait me montrer. Et que ce soit sur le plan de Joy Division, ou plutôt de Ian Curtis tant la caméra n'a d'yeux que pour lui (un peu dommage), ou sur le plan du regard de photographe que porte Anton Corbijn, ce film est une pépite aussi belle qu'amère.


Je mets de côté le fait que le film présente sous certains aspects une dimension légèrement catalogue, on sent que 1°) le genre biopic impose de caser quelques traits connus de tous (les fans) sur le chanteur, quel film il aime, comment il pète, comment il danse, et que 2°) le scénario épouse trop le point de vue du personnage de sa femme (qui a écrit le bouquin à l'origine du scénario, CQFD). Pas étonnant que le film s'attarde un peu trop à mon goût sur les problèmes de couple, et pas assez sur le processus créatif, etc. Mais passons. Car à côté de ça, j'ai été saisi par cette aura de poète maudit (chapeau à Sam Riley pour l'interprétation), filmé sans emphase, sans effets superflus, parfaitement cadré (on sent le photographe derrière la caméra, peut-être un peu trop), dans l'intimité (on sent le fan derrière la caméra, peut-être un peu trop). Corbijn filme bien l'éloignement progressif du chanteur, entre deux instantanés de scène rock assez savoureux. On assiste à l'éclosion d'un phénomène qu'on ne sait pas trop nommer, entre les éclats de l'artiste et le poids de son quotidien, sans avoir conscience de la terrible noirceur de l'arrivée, consécration de la noirceur de sa courte existence.


Et puis j'ai beaucoup aimé cette retranscription de l'Angleterre late 70s, l'atmosphère grise et humide de ces villes post-industrielles comme Manchester et Macclesfield. Une image, une rue, une série de maisons : on reconnaît très vite, on est tout de suite dedans. Le genre d'approche que je préfère cent fois à une comédie / un drame signé Mike Leigh ou Ken Loach, dans des styles à la fois proches (la toile de fond est un peu la même) et différents (l'état d'esprit n'a rien à voir).


Pour toutes ces raisons qui alimentent ma surprise devant un film que je pensais survoler de bien loin, point d'hypocrisie, j'arrose la note de pourboire.


[Avis brut #23]

Morrinson
8
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le 9 janv. 2016

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Morrinson

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