Je l'ai trouvé vraiment très divertissant, et pas uniquement. Bien sûr, des défauts il en a : surtout d'avoir ce rythme répétitif qui devient monotone. lecture du texte>scène dans la maisons>Discussion prof/élève>lecture du texte>dans la maison>prof/élève... etc...
Mais !
Quel manipulateur cet Ozon ! Tous les clins d’œils déjà, pour nous sortir de la fiction (Luchini qui se fait assommer par sa femme avec le livre Voyage au bout de la nuit de Céline en est une démonstration marquante), les petits moments où un flottement entourent les personnages (des dialogues qui se terminent en eau de boudin, qui sentent le malaise, l'incommunicabilité, et la pauvreté même de la narration, de l'histoire au premier degré), les plans à l'atmosphère étrange et ambiguë (on ne sait plus si l'évènement s'est réellement passé ou si c'est de la fiction - emmêlement du désir des personnages d'être plongés dans la fiction)... Un vrai plaisir à regarder, avec plein de sourires parce que c'est vraiment très loin d'un réalisme plombant.
Ozon joue avec le spectateur, si le spectateur accepte d'entrer dans son jeu, c'est gagné.
Et puis, je trouve qu'il a drôlement bien filmé ce lycée. Blocs de bétons, d'acier, de couloirs, de salles de prof, de cours. Une sorte de lieu froid, dur, où les corps donnent une vie. Et semblent être comme des rats de laboratoires (scène du début avec Claude seul dans la cour de récré, mise en accéléré : tous les élèves arrivent, bougent dans tous les sens. Trombi en accéléré des visages de tous ces élèves. Interchangeables. Soumis à l'expérience, au télescopage, aux multiples scénarios possibles. Le lieu où se retrouvent souvent prof et élève, pièce neutre, avec des vitres ouvertes d'où on peut les observer).
Comme ce plan final sur l'immeuble, avec toutes ces fenêtres, champ des possibles. Différents mais tous semblables, parce que porteurs d'un vide à remplir.
Évidemment il y a plein de parallèles faits, assumés, dits dans le film. Comme celui avec Pasolini et Théorème. Ozon joue avec ces codes, aussi. Il ne cherche pas à décortiquer les idées reçus, mais à questionner nos référents culturels, ce que l'on fait de notre imagination, et comment l'art, la création, peut combler, bouleverser, métamorphoser, détruire une existence. Ou lui passer à travers, la bousculant vaguement.
J'y ai retrouvé un regard facétieux comme chez Lars Von Trier, par exemple. A balader son spectateur, l'un et l'autre sachant très bien ce qu'il en est.
Les incursions, sur la fin, de Luchini comme critique dans la maison, pendant les scènes qu'il lit, sont très bien faites dans ce sens d'ailleurs