Des hommes sans loi (ou Lawless en VO) pouvait être attendu pour de nombreuses raisons. Outre la campagne promo mettant en avant un impressionnant casting (Tom Hardy, Shia LaBeouf, Jessica Chastain, Guy Pearce, Gary Oldman...) et une bande-annonce montrant à peu près toutes les fusillades du film, il y a deux hommes aux carrières respectables derrière le film: John Hillcoat et Nick Cave. Le premier a toute mon admiration pour son western crépusculaire australien, The Proposition, tandis que le second l'accompage en signant à la fois le scénario et la musique de ses films.
On est ici en présence de leur seconde oeuvre américain après La route, sans autre volonté affichée que de faire un bon vieux film de gangsters "à l'ancienne". Les bases sont très rapidement jetées: la famille Bondurant (dont Tom Hardy et Shia LaBeouf) refuse de se plier aux autorités corrompues et continue coûte que coûte à rester dans l'illégalité pour la ditribution de leur alcool maison. En face, le "méchant" est Charlie Rakes (Guy Pearce), agent spécial au propre comme au figuré, et aux méthodes quelques peu expéditives.
A côté de ça gravitent d'autres fabriquants et gangsters, donc effectivement rien de très original dans le pitch, ni même dans le déroulement. On peut le dire, il n'y a quasiment rien dans le film qui ne soit du jamais vu, mais est-ce bien un problème ? Surtout si l'on compare à la plupart des grosses sorties actuelles, je pense que cela importe peu.
Les exemples de film au scénario simple et peu original mais au traitement de qualité sont légion, il suffit de citer Drive pour l'année passée. La force d'Hillcoat est justement sa capacité à sulbimer une histoire simple par la technique, et avec une certaine envie de cinéma qu'on ne retrouve pas si souvent dans les grosses productions. Les personnages sont tous bien mis en valeur, que ce soit par de très beaux plans iconiques ou des dialogues simples mais efficaces.
Le crescendo en tension est très bien mené, avec des explosions de violence d'une rare intensité qui apportent beaucoup à la cruauté de l'univers dépeint. La frontière de la loi est très floue ici, l'agent Rakes annonçant clairement qu'il est venu pour arrêter le trafic coûte que coûte. Un adepte de Machiavel en puissance, dont la simple présence suffit rapidement à mettre mal à l'aise.
Paradoxalement, Guy Pearce est un des seuls reproches que j'ai à faire à ce film. Qu'on se comprenne bien, j'adore cet acteur, mais là il en fait vraiment trop. Le personnage du citadin dégoûté par la campagne et ses habitants fonctionne plutôt bien, mais au niveau de la gestuelle et des mimiques son jeu m'est apparu excessif, à la limite du cabotinage. D'un côté cela participe au malaise, mais pas vraiment comme prévu. Je regrette cet aspect vu ses qualités d'acteurs et la présence qu'il arrive à imposer dans toutes ses séquences, notamment une très réussie où sa silhouette vient s'insérer au premier plan, façon La nuit du chasseur.
Transition toute faite pour parler de la technique, comme je le disais plus haut Hillcoat sait magnifier ses acteurs, les mettre en valeur et joue habilement de la tension entre personnages. La photographie n'est pas en reste, avec de superbes paysages américains et une poignée de plans contemplatifs sur la nature environnante, ainsi qu'une belle utilisation des éclairages en intérieur. Les scènes d'action ont le mérite d'être très lisibles et bien découpées, l'entrée en matière de Gary Oldman dans le film étant à cet égard assez impressionnante.
La musique unique de Nick Cave colle parfaitement au sujet, souvent douce et mélancolique, ou angoissante juste ce qu'il faut, sans jamais verser dans l'excès. Il avait déjà prouvé avec The Proposition et L'assassinat de Jesse James sa capacité à écrire de formidable BO, et même lorsqu'il donne dans quelque chose de plus classique, il apporte beaucoup au film.
Alors voilà, même si finalement on ne tient pas le film de l'année et qu'Hillcoat peut mieux faire, ce fut une assez bonne surprise, un divertissement solide et tout de même bien plus sombre et violent que ne le laissaient croire les bandes-annonce (s'il fallait leur faire confiance, on le saurait). Rondement mené me semble l'expression parfaite pour ce film, avec un petit supplément d'âme par rapport à la moyenne des bons films hollywoodiens récents. Et Shia LaBeouf qui joue bien, rien que ça c'était inespéré.