If that movie had a face, I'd punch it in the balls

La bande-annonce de Detention était chaotique, c'était un enchaînement d'images où le monteur se fichait manifestement du sens et ne se souciait nullement de la compréhension ; on ne nous expliquait pas, par exemple, que "Cinderhella" est un film d'horreur fictif relatif à Detention, ce qui m'a fait croire qu'il y avait dans une réplique une blague ridicule sur le film Disney.
Mais un Senscritiqueur, en me faisant régulièrement part de son enthousiasme à l'égard de ce film, a fini par m'y intéresser.
Après tout, le film de Joseph Kahn avait du potentiel pour être cool. Je restais néanmoins suspicieux.
J'avais lu une review d'AICN, qui disait qu'au bout de 5mn, on savait si on allait adorer ou détester Detention. Ca correspondait assez bien à l'idée que je m'étais faite de ce film, via ce que j'en avais vu. Avec un long-métrage ayant un parti-pris aussi extrême que celui-ci, il est vrai qu'il est difficile d'imaginer un entre-deux.
( https://www.aintitcool.com/node/54909 )

Il ne m'a même pas fallu 5mn pour savoir que j'allais me ranger dans la seconde catégorie. En fait, dès la première réplique, j'étais fixé.
Une ado s'éveille, nous regarde dans les yeux, et déclare "I'm Taylor Fisher. And I'm a bitch !".
Le premier mot qui m'est venu à l'esprit est "insupportable". Je savais que le film allait être aussi insupportable que ce premier personnage de pimbêche surexcitée. Car le film, dans son style, se calque sur ce type de personnalité.
Le film est vulgaire, dans tous les sens du terme. Le langage est fleuri, les doigts d’honneur se trouvent à foison, je suppose que c’est censé amuser. Ensuite, Detention est vulgaire car il ne fait preuve d’aucune finesse, ça ne se fatigue pas. Les personnages qui disent à voix haute et face caméra tout ce que le spectateur doit savoir (I am a bitch, Life sucks, …), on peut trouver comme excuse que ça fait partie du délire, pour moi ça fait partie de ce défaut dans la caractérisation des personnages dans ce film qui veut tellement en faire qu’il se voit obligé de négliger certains aspects. Il y a des personnages secondaires qui restent non développés, et ça irait si on n’avait pas l’impression que malgré ça, les scénaristes aient voulu leur offrir une personnalité particulière.
On a le black qui, semblerait-il, est "le mec ennuyeux", mais ça ne nous apparaît pas avant qu’il se décrive lui-même comme tel. Tout ce qui allait en ce sens auparavant, c’était le plan où il se contente de tremper son doigt dans son verre de bière pour goûter, ce qui m’avait semblé cryptique sur le moment.
On a la goth, qui ne doit pas dire plus de 5 phrases dans le film ; j’ai l’impression que l’asiatique, Toshiba, a un faible pour elle, on ne peut en être sûr tant c’est esquissé le temps d’un plan, du moins pas avant la fin où les deux se tiennent la main. D’où ça sort ? Et en quoi on en a quelque chose à faire, tant leur relation dans le film était inexistante jusque là ?
Il en est de même avec les personnages principaux : on tarde à savoir que Riley et Clapton sont BFF, que Riley et Ione étaient amies avant d'être ennemies, et rien avant ne peut nous mettre sur la piste.

Detention, vulgaire également par cette débauche d’effets spéciaux dont nombreux ne servent à rien. Quelqu’un crache son dentifrice dans le lavabo, créant une tache à la forme d’un… papillon. Pourquoi ?
On pense immanquablement à Scott Pilgrim avec tous ces textes en CGI qui apparaissent à l’écran, un peu à la manière d’un jeu vidéo, afin de servir des gags. Ce que Joseph Kahn n’a pas saisi, c’est que dans le film d’Edgar Wright, il ne s’agit pas simplement de faire écho, par un texte s’affichant à l’écran, à ce que disent les personnages. Les CGI formaient des gags à part entière.
On avait la "pee bar" dans Scott Pilgrim, dans Detention on nous indique à l’écran que tel personnage est Islandais, et qu’il porte des chaussures en cuir. Ce qui nous est déjà indiqué par le personnage principal. On peut en cela rapprocher Detention de Crank : on a les moyens, alors faisons des effets spéciaux n’ayant aucune fonction, si ce n’est montrer qu’on peut bénéficier d’effets spéciaux, justement.
Joseph Kahn est un réalisateur de clip à la base, ça se voit assez dans les choix esthétiques pour Detention, qui m’évoquent la dernière fois que j’ai vu NRJ12 et que je me lamentais sur le monde musical contemporain. La BO d’ailleurs, la moitié du temps, est en adéquation.
Bon, Detention n’est pas si horrible que le dernier clip de, disons, Rihanna, à vrai dire il n’y a que les énormes flares en plein travers de l’image qui m’ont vraiment gêné.
Il y a même une idée visuelle qui m’a plu : lorsque Riley se fait étrangler, l’arrière-plan s’étire comme si on changeait la focale, alors que le personnage ne change pas. A mon avis, l’actrice a été filmée normalement sur un fond vert, auquel on a ensuite substitué une vidéo du sol avec changement de focale.
Le générique de début est cool, il faut l’avouer.
Et je dois reconnaître qu’il y a une bonne direction, le rythme effréné du film ne se basant pas sur un montage surdécoupé, au contraire beaucoup de choses se passent dans un seul et même plan, les acteurs enchaînant les actions ; c’est eux qui font le rythme du film. Les nombreux mouvements de caméra, maîtrisés, apportent une certaine énergie également.

Je pensais que la bande-annonce ne servait pas bien le film. En fait si. Il y avait cette énergie évoquée ci-dessus, et Detention est également un enchaînement, non plus de plan mais de séquences, sans aucun sens.
Les personnages débitent des absurdités nonsensiques qui sont censées passer pour des gags, il y a des répliques issues de nulle part comme lorsque tout d’un coup, au milieu d’une conversation, un type dit ce qu’il ferait dans une invasion zombie, et les références, out of nowhere également, sont complètement gratuites.
On cite Pat Morita, Scream, Retour vers le futur, sans raison, juste pour contenter ceux qui connaissent les titres auquel il est fait allusion. Le plus affligeant pour moi a été la "blague" sur Heath Ledger.
Un personnage évoque même Torque, de Joseph Kahn, en disant que ce film est nul ; ok, le réalisateur se moque de lui-même, mais dans ce cas précis, on n’aurait pas pu placer dans une réplique une référence de façon plus forcée que ça, même si on l’avait voulu.
Tout le monde fait des blagues référentielles, sans souci de cohérence dans ce qui est dit ; absolument tout le monde, en fait même le flic quinquagénaire parle comme un fanboy…
La seule référence qui m’ait fait rire, c’est celle à Anaconda ; la seule bien placée, en fait.
La comparaison avec Scream que beaucoup ont faite (le distributeur français y compris) est erronée. Le film de Wes Craven, même s’il comportait de nombreuses répliques référentielles pas bien crédibles non plus, faisait des remarques clairvoyantes sur le cinéma d’horreur.
Detention n’a rien de pertinent, que ce soit sur le cinéma d’horreur ou sur la vie adolescente, et toute tentative de propos est avancée avec lourdeur.
Il y a une allusion à ces acteurs trop vieux pour jouer des ados, comme on en voit dans les slashers, mais c’est fait avec aussi peu de finesse que cette blague autour de Never been kissed dans la parodie Not another teen movie (non, je ne me mets pas moi aussi à faire des références sans aucun sens : dans les deux cas, on parodie l’idée de personnes trop âgées pour le rôle qu’elles tiennent, en nous en montrant d’autres encore plus âgées).
La cruelle indifférence que vivent les jeunes lors de leurs années au lycée, elle est exprimée par des scènes où l’on ignore Riley alors qu’elle se pend, ou qu’elle dit à des policiers avoir été attaquée.


L’intrigue générale n’est pas mieux composée. Enfin, c’est un semblant d’intrigue, composée d’un patchwork de scènes et d’idées sans grand lien entre elles, voire aucune.
Un type avait sa main dans un TV durant son enfance, il a du sang de mouche en lui, on a un ours issu d’une autre planète et des aliens déguisés, … pourquoi, pourquoi ?! "No reason", comme dirait Quentin Dupieux, qui croit lui aussi que sous prétexte de vouloir faire une œuvre loufoque, on peut se permettre n’importe quoi.
Detention manque même de logique, élément indispensable même dans les fictions les plus folles ; il faut avoir sa logique. Or, il n’y en a aucune lorsque par exemple un des personnages projette de l’acide qui fait fondre les objets, mais pas les humains… On ne nous explique rien, on le remarque, tout simplement.
La fin du film était particulièrement rude, plus rien n’a de sens, les acteurs gueulent tous, c’en devient réellement insupportable. Et on conclue par une voix-off cherchant, vainement, à servir un propos : "il ne voyait aucun avenir car il vivait dans le passé", et bullshits du genre.
Je ne sais trop comment ni pourquoi j’ai fini Detention sans sauter de passage ni accélérer. J’ai trouvé peu d’intérêt, bon il y a Jesse Heiman à un moment, un poster de Bloodsucking freaks, et un cameo sympa, mais la plupart du temps Detention ne m’a simplement pas amusé.
Je suppose que c’est son absence de tout répit qui fait que je ne pouvais pas m’ennuyer. Le film est mal écrit, entre autres choses, mais on ne peut pas dire qu’il soit mal fait. C’est pas mon trip.

Créée

le 13 août 2012

Modifiée

le 13 août 2012

Critique lue 1.2K fois

11 j'aime

3 commentaires

Wykydtron IV

Écrit par

Critique lue 1.2K fois

11
3

D'autres avis sur Detention

Detention
Marius
7

^_^

Donnie Darko +Iron Man +Buffy +Scream +Breakfast Club +Retour vers le Futur +Waynes World +ProjectX +Freddy +Clueless +La Mouche +Saw +Freaks&Geeks +Forbidden Planet +Piège en haute mer +Star...

le 3 sept. 2012

29 j'aime

2

Detention
Gand-Alf
8

School's out for ever !

Traîné dans la boue par les cinéphiles de tous poils à cause de son "Torque", le clippeur Joseph Kahn ne va pas se laisser abattre et va sortir de ses tripes son VRAI premier film, SON cri du coeur à...

le 10 août 2012

25 j'aime

3

Detention
Templar
7

"The 90's are the new 80's"

Pourquoi faire des films en s'appuyant sur le sens et la cohérence, pourquoi se contenter d'un genre quand la palette cinématographique en offre bien plus ? Detention se moque des explications, de la...

le 19 août 2011

22 j'aime

3

Du même critique

Mr. Robot
Fry3000
4

L'hacker a ses raisons (Saison 1)

Spoilers ahead. Je suis du genre à me méfier des séries qui font le buzz ; ce n'est que lorsque l'enthousiasme des débuts retombe et que les avis sont plus variés qu'on peut se faire une meilleure...

le 23 août 2016

54 j'aime

3

Breaking Bad
Fry3000
4

Le daron de la drogue

En dépit de tout le bien que je lisais ou entendais de toutes parts sur la série, c’est suite à la lecture, il y a presque deux ans, de la fameuse lettre totalement élogieuse d’Anthony Hopkins...

le 18 juil. 2015

54 j'aime

61