Allez, disons le d'emblée, "Divines" est avant tout un film noir, plutôt bien réussi surtout si l'on considère qu'il s'agit d'un premier long métrage. Voilà, comme ça, on évacue d'emblée les questions à la noix, du genre "est-ce ainsi qu'un cinéaste doit montrer les banlieues ?". Comme si le fait qu'un film prenne place dans le 9-3 nécessitait un qu'il ait un contenu particulier, formaté, voire même - quelle horreur - pédagogique... Et pour clore le sujet, précisons que si un imam est mis en scène dans ce film, son personnage serait parfaitement transposable en ...celui d'un pasteur, si le film se déroulait, avec un scénario identique, dans un ghetto aux USA.


Film noir plutôt bien réussi donc, rythmé, parfois violent, et centré autour de l'histoire tragique de Dounia (solidement interprétée par Oulaya Amamra). Ou encore la dérive d'une ado paumée, entre sa mère alcoolique et son BEP Accueil, qui va de fil en aiguille s'embringuer dans une série d'embrouille dont on pressent très rapidement qu'elles vont tourner à la catastrophe. Il y a dans "Divines" ce caractère inéluctable que l'on trouve dans toute tragédie digne ce nom : l'héroïne fonce tête baissée vers sa destinée, vers laquelle toute sa vitalité et sa détermination l'entraine inexorablement. La bande son, même si elle en fait parfois un poil trop dans le grandiloquent, participe bien à cette ambiance tragique. J'ai lu à droite à gauche, à propos de "Divines" que c'était une copie conforme de "Bandes de Filles". Personnellement, j'y verrais plutôt une analogie avec l'excellent et méconnu "Khamsa" de Karim Dridi.


Et si l'on voulait absolument chercher un message dans ce film, j'aurais plutôt tendance à y voir une forme de critique sociale. Houda Benyamina y dépeint avec assiduité le lumpenprolétariat, dont on peut penser raisonnablement qu'il se développe de plus en plus dans notre si belle Europe. On y croise donc des personnages qui ont pour de bon abdiqué tout espoir de jours meilleurs, qui sont définitivement déclassés, désaxés. Personnages que leur situation a fini par mener au désespoir, mais aussi à la frénésie : money, money, money comme répète à l'envie Dounia...Mais elle et ses semblables ont-ils vraiment le monopole de la cupidité ?


Et enfin la chute, fort bien trouvée, acte et consomme la fracture d'avec le restant du corps social.

Marcus31
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le 4 sept. 2016

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Marcus31

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