Dans un tempo très serré, Kubrick parvient en, en 1964, à surprendre son public en lui offrant un film qu'il ne saurait décemment pas comprendre immédiatement. Docteur Folamour est un film qui navigue entre de multiples eaux et laisse relativement dans l'ignorance. Sommes nous face à un drame ? La tension pourrait nous laisser le faire croire. Mais pourquoi alors autant de ridicule et quelques moments d'humours ?
Kubrick brouille les pistes et offre un film très personnel dans la réalisation, qui a échoué, cela dit, à me convaincre pleinement. La réalisation, bien que bonne, n'est pas à la hauteur de ce que j'attendais et joue grandement sur les répétitions. Le but étant, clairement, d'amener une tension qui ne cesse de croitre pour le côté dramatique du récit. Cependant, cela n'excuse pas tout et j'aurais aimé un esthétisme encore plus présent étant donné le maître derrière la caméra.
De la même manière, j'ai trouvé la fin un peu molle et manquant de prestige. Un peu comme le personnage du Docteur Folamour (Strangelove) qui, rien que par son apparition tardive, parvient à hypnotiser le spectateur (j'en reparlerai sous peu) mais qui, finalement, est en-dessous de ce que l'on était en droit d'attendre.
Les militaires qui vont balancer la bombe sont également bien traités au départ mais vu leurs réapparitions très fréquentes, on aurait apprécier un plus grand développement dessus.
Je dois également avouer que l'aspect un peu vieillot de la réalisation m'a, étonnement, déplu par moment. J'en suis le premier surpris, il faut croire que j'ai plus de facilité avec des films résolument plus anciens ou alors un poil plus moderne.
Ce que l'on peut retenir d'une film, c'est avant tout son maniement extrêmement bien géré du ridicule. Ridicule qui n'apparaît que relativement tardivement en réalité (une bonne vingtaine de minutes). Mais qu'est ce que c'est bien manié. Les discussions entre les deux présidents, et, globalement, tout le ridicule de la situation.
Enfaite, Kubrick arrive à nous montrer une critique acerbe d'un système, d'une époque, d'une pensée, tout en la rendant ridicule. Le général Ripper est à la fois le symbole d'une réflexion dangereuse, mais également ridicule de par sa construction, basé sur une une paranoïa et une sorte de réflexion phallique qui vaut le détour.
Malgré cet humour et ce côté dramatique, on retiendra surtout l'aspect totalement prenant, voir angoissant du film, on est dedans, et on adore. La tête, pleine de réflexion, on en redemande encore une fois le film terminé.
Folamour c'est aussi (et surtout) un jeu d'acteur de haut niveau. Peter Sellers, avec ce film (et ses 3 rôles : le président, le capitaine anglais et le « héro » éponyme) réalise une plus haute performance que bien des acteurs dans toute leur cinématographie.
Impossible de le reconnaître, il manie un humour très différent à chaque fois et joue parfaitement bien ses rôles. Du grand art. Pour autant, il n'éclipse pas Georges C. Scott, le général anti-communiste par excellence, ni Sterling Hayden dans le rôle du général paranoïaque qui est la cause de la fin de l'humanité. On notera aussi Peter Bull en ambassadeur russe qui parvient à ne pas être écrasé par la présence de Scott et Sellers, un défi de taille qu'il parvient à relever.
Globalement, ce qui est énorme dans ce film est son sujet : la fin de l'humanité. Comment, en quelques minutes (environ 2 heures) les êtres humains perdent leur Terre, comment un régime néo-nazi va se mettre en place, comment tout cela s'est passé autour de quelques cigares et avec un côté plus que ridicule. Finalement, ces hommes ce sont les Hommes : dépassés par ce qu'ils font. Totalement dépassés que ça en devient risible. Kubrick signe un film engagé, qui n'est peut être pas parfait sur tous les points, mais montre son génie, sa réflexion et sa capacité de dissoudre les genres.