On sait tout le mal qu'une mauvaise adaptation cinématographique peut faire à un comic et sa réputation auprès du grand public ; comme exemple tout récent, il y a Daredevil (dont une des affiches ressemble étrangement à celle de Dredd).
Concernant Judge Dredd, je savais qu'il s'agissait d'un comic book à la base, mais quand les premières news sont apparues concernant un reboot, je pensais toujours au film avec Stallone, et me demandais quelle était l'utilité d'en faire un nouvel opus.
La bande-annonce ne m'avait pas plus tenté, donnant l'image d'un film d'action impersonnel, où l'on trouve une excuse pour mettre pleins d'effets de ralenti partout : la création d'une drogue futuriste nommé "slo-mo", comme "slow motion".
J’aurais pu voir le film à L’étrange Festival de l’an dernier. J’ai regretté de ne pas l’avoir fait quand les premières bonnes critiques sont arrivées, et que j’ai appris qu’il n’y aurait pas de sortie en salle en France pour ce film, finalement sorti directement en DVD.
Ces avis positifs sur Dredd m’ont fait m’intéresser à cette nouvelle adaptation et au comic ; pendant que j’étais dans la lecture d’un album récent, "Heavy metal Dredd", on annonçait sur internet que la plupart des accessoires du film étaient mis en enchères sur eBay, signalant certainement qu’il n’y aurait pas de suite.
C’était triste, au moment où je me préparais pour voir Dredd, je savais déjà que si le film me plaisait, j’aurais la déception de savoir déjà qu’il n’y aurait pas de suite.
C’est vraiment dommage car le personnage de Judge Dredd et son univers ont le potentiel pour remplir plusieurs long-métrages.

Ayant lu le premier volume de l’intégrale du comic afin de me préparer avant la vision du film, j’ai pu constater que dès les premiers numéros, Judge Dredd présente un univers complet et vaste, plein d’inventions. Le film Dredd ayant semblerait-il été fait avec un budget assez limité, il n’aurait pu retranscrire complètement ce qu’on peut voir dans le matériel d’origine.
A l’écran, on ne nous présente pas un univers futuriste, mais plutôt des éléments futuristes dans un environnement contemporain, mêlant des décors aux allures de Tiers-Monde en raison d’un contexte post-apocalyptique et des infrastructures à la démesure purement ricaine.
On imagine qu’il y avait plus de facilités à inclure des bâtiments gigantesques à des prises de vues réelles plutôt que de tout créer de toutes pièces, mais finalement le mélange apporte à la SF un ancrage dans la réalité.
Judge Dredd ouvre le film en voix-off avec un résumé succinct du contexte, simplement pour poser le décor. Il va directement à l’essentiel en ne citant de l’univers du comic que ce qui pourra être utilisé dans le film ; il en dit peu mais c’est efficace. Dredd évoque le nom de la cité où il applique la loi, Mega City One, nom déjà attribué à la ville dans le comic, mais auquel le personnage associe ici un propos : "Mega blocks, mega highways, Mega city one". Même dans un monde futuriste ravagé et miséreux, la démesure des USA prédomine. Toujours plus grand, toujours plus massif. Malgré la situation, on essaie de se donner l’impression que tout va bien, comme l’illustre plus tard cette scène d’attaque dans un centre commercial où, par les haut-parleurs, une voix féminine rassure les clients.
Cette démesure de l’environnement va de paire avec le héros, Dredd, dont le caractère over-the-top est souligné dès l’introduction par les images et le son : gros plan sur sa botte qui se pose à terre, et bruit amplifié qui va avec ; générique de début qui fait arriver le titre vers nous, "Dredd", en lettres imposantes au milieu de débris qui s’élèvent dans les airs.
Judge Dredd décoche des répliques bien senties à des criminels qui cabotinent superbement, tout en gardant le même air sérieux et impassible. Tout ce qui forge un héros classique de film d’action se retrouve en lui, de façon exacerbée parfois.
Judge Dredd reste en permanence impénétrable, ne laissant presque rien transparaître sur son visage. Il ne quitte d’ailleurs jamais son casque, en adéquation avec le personnage du comic (un détail que le film avec Stallone n’avait pas respecté), mais l’acteur Karl Urban a tout de même une présence superbe.
Quand il dit "I am the law" ou "Judgment time", c’est électrisant.

La caractérisation du personnage principal est très bonne par ailleurs, le scénariste a trouvé plusieurs situations qui servent à donner à chaque fois une idée un peu plus précise de la vision de l’application de la loi par Judge Dredd. Il entre dans la catégorie des flics de cinéma qui n’hésitent par à rendre justice de façon expéditive, mais contrairement à Harry Callahan ou John McClane, il fait les choses strictement dans les règles. Les règles de Mega City One, du moins.
Dredd reste tout à fait juste : s’il n’est sûr de la culpabilité d’un homme qu’à 99%, il ne le condamne pas (ou ne le tue pas) hâtivement.
Dans le comic book, Judge Dredd tue peu, et pourtant tout en respectant la nature du personnage, le scénariste de l’adaptation a réussi à faire un film d’action violent : Dredd applique la loi à la lettre, il donne leur chance aux criminels, sauf quand le crime commis est si grave qu’il requiert forcément une sentence de mort.
Heureusement pour le spectateur avide de sang, dans la majeure partie du film, Judge Dredd se retrouve coincé dans un immeuble rempli de membres de gang qui veulent sa peau.
Le gore généreux et l’esthétique colorée rappelant un peu le look des comic books rappellent parfois Punisher : war zone. Comme cette autre adaptation sous-estimée, Dredd nous présente rapidement le protagoniste par une introduction très forte, et directement après le place dans une situation inhabituelle qui va chambouler ses principes et/ou le remettre en question.
Judge Dredd, lui qui se montre intraitable et laisse le choix à un meurtrier entre passer sa vie en prison ou mourir sur le champ, sans considérer valable toute autre option, se voit obligé en début de film de collaborer avec une débutante qui a raté ses tests de passage (de peu, mais Dredd ne prend pas cela en considération, pour lui un échec est un échec), mais qui a des dons de medium. C’est une caractéristique qui lui empêche de porter un casque comme tous les autres juges.
Plus jeune et moins expérimentée, Cassandra Anderson –tel est son nom– apporte un autre regard sur son métier, faisant preuve de compréhension là où, parfois à tort, Judge Dredd reste insensible et ne fait pas de distinctions entre les personnes et leurs motivations à partir du moment où elles ont un crime en commun.
L’écriture des personnages est intéressante, tout comme la façon dont sont disposées certaines informations au fur et à mesure qui apportent plus de détail à l’univers de Dredd. On apprend que les parents d’Anderson sont morts à cause de retombées radioactives, simple évocation qui porte à notre connaissance la présence du danger nucléaire dans ce monde futuriste ; à un autre moment, lors de la formation de sa coéquipière, Judge Dredd lui informe que les juges ne peuvent agir que pour 6% des crimes commis chaque jour dans Mega City One.

Le film fait preuve de respect pour le comic et son personnage, tout en étant capable d’originalité.
Le "lawgiver" des juges, comme dans le comic book, tire plusieurs sortes de balles dans le film, mais elles sont choisies vocalement, et nous découvrons plus de détails sur l’usage de l’arme. La scène la plus inspirée par rapport à cela est celle où le héros s’adresse à un adversaire tout en commandant à son arme le tir d’une balle incendiaire.
Ce long-métrage fait preuve d’une belle imagination quant à la conception de son univers, et en cela il est dans l’esprit du comic.
Une des inventions les plus sympathiques est ce nerd aux yeux bioniques. Une autre d’entre elles est le Slo-Mo, en fin de compte ; une idée superbement intégrée dans le scénario. En premier lieu, l’effet de la drogue ne consiste pas uniquement en un ralenti des images, mais il y a aussi un traitement visuel qui rend certains plans magnifiques, faisant comprendre que les personnages puissent être addicts.
L’usage du ralenti n’est par ailleurs pas gratuit dans le film, il est toujours accompagné d’une idée : on fait fumer du Slo-Mo à quelqu’un avant de le torturer, par exemple, pour amplifier ses souffrances.
Il y a bien sûr une scène d’action au ralenti, mais c’est excusable étant donné que l’on voit l’effet appliqué à des impacts de balles et à des souffles d’explosion, donnant un résultat extraordinaire.
De manière générale, les scènes d’action dans Dredd sont à couper le souffle.
Le sang en CGI laisse à désirer, mais les autres effets, qui semblent mêler numérique à FX réels, notamment pour une tête qui éclate, un bras arraché, et une gorge écrasée, sont fabuleux.

Dredd avait souffert à sa sortie de la comparaison avec The raid, avec lequel il a en commun certaines grandes lignes : notre héros et sa partenaire se retrouvent bloqués dans un immeuble au sommet duquel se trouve un baron de la drogue, et doivent se frayer un chemin jusqu’en haut en affrontant plusieurs étages d’hommes armés.
Il semblerait que Dredd a été écrit avant, mais que The raid a été le premier à sortir. Peu importe, car les deux films se distinguent suffisamment.
Alors que The raid misait absolument tout sur ses combats, Dredd comporte des scènes de brutalité très réjouissantes mais elles ne sont qu’une portion du film, qui s’intéresse aussi à l’exploration de ses personnages et de son univers SF. Pour ma part, j’ai une préférence pour les films avec une part d’action et une part de développement scénaristique.
C’est ce qui fait que Dredd est à la fois une très bonne adaptation, et un très bon film d’action.
Pourvu qu’une suite puisse se faire malgré tout.

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le 2 avr. 2013

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