Moins drôle... moins humain... mais plus jouissif !

Avant propos...

"Dredd" est la seconde adaptation ciné du célèbre héros appartenant au DC Comics (aux côtés de Batman, Superman, Green Lantern et les autres). Créé en 1977 par John Wagner et Carlos Ezquerra, le célèbre juge apparait pour la première fois cette même année dans la revue britannique "2000 AD", puis a fait par la suite l'objet d'une revue entièrement dédiée à ce héros : "Judge Dredd megazine", en 1990.

Dans l'histoire originale, qui se situe au XXIIIème Siècle (et non pas "dans un avenir proche"), les vastes mégalopoles de béton américaines, dernière trace de civilisation humaine à la surface du globe, renferment hordes de criminels et cannibales en tous genres. A Mega City One, l'une de ces villes, le Juge Dredd fait règner l'ordre. Dredd, c'est la quintescence de l'antihéros (voir mon billet spécial antihéros dans la rubrique "dossiers") : celui que l'on aimerait être parce qu'il massacre du criminel en tous genres, et à la fois celui que l'on déteste parce qu'il est inflexible et applique la loi sans la moindre humanité, exécutant à merci tous ceux qui n'obtempèrent pas.

Les Juges... C'est ainsi que l'on nomme les policiers, parce qu'ils font à la fois office de flics, de magistrats et même de bourreaux en fonction de l'infraction relevée ("La loi c'est moi!"). Exit donc le système judiciaire, les avocats, les gardes à vue, etc. Désormais, si vous êtes pris, les peines vont au minimum d'une peine automatique de prison à ...la mort. Dans le premier Judge Dredd de 95, c'était le bagne d'Aspen. Ici, c'est l'Isocube (on l'entend souvent au cours du film mais on ne sait pas ce que c'est exactement). Au milieu de ce cloaque urbain, c'est maintenant la loi du plus fort, et celle du talion qui sont appliquées par la justice.

Dans le comics, et aussi dans la première adaptation ciné, il existe un background assez fourni. Les juges suprêmes, les terres maudites, irradiées et infestées de charognards, d'autres cités que Mega City One, des juges clonés, mutants cannibales, etc. Vous allez voir que dans ce dernier opus, tout a été réduit à son minimum. Bonne ou mauvaise chose, c'est ce que nous allons essayer de voir maintenant...

Décor planté...

Mega City One, c'est d'abord et avant tout une critique ouverte de la sururbanisation galopante, et également un symbole visant à imaginer ce que le monde pourrait être des siècles, voire des années en avant, au train où vont les choses. Plus un arbre débout, des gratte-ciels vertigineux dont on ne voit même plus le toit, des villes surpeuplées et irrespirables, une police ultra répressive luttant contre une criminalité impossible à endiguer. "Judge Dredd, ou comment seront les Etats-Unis dans 50 ans..."!

Dans la version ciné de Danny Cannon, mettant en scène Sylvester Stallone, l'humour contrebalançait le ton naturellement dramatique du propos. Et le film avait le mérite d'élargir un peu le background, en dévoilant des éléments personnels du Juge Dredd (son frère cloné, sa vie passée, etc.). Malheureusement, cette version surfait le plus souvent à la limite du nanard, quand bien même il divertissait un minimum...

Cette nouvelle mouture 2012 marque une très nette différence, puisque l'humour décalé a désormais intégralement disparu, pour laisser place à une ultra-violence régnant au sein d'une Mega City One dépouillée, terne, et sans plus la moindre parcelle de vie.

Qu'en est-il du film ?

Après le décor, l'histoire. Il faut souligner que "Dredd" est un Direct-to-DVD, c'est à dire qu'il n'a pas eu les honneurs d'être projeté dans les salles françaises. Il a été doté d'un budget de 45 Millions de Dollars, ce qui est assez peu pour un film de super héros. (A titre indicatif, Avengers a coûté 220 Millions, le dernier X-men 200 Millions, idem pour le dernier Spiderman... Et même le premier Judge Dredd de 95 avait coûté 90 Millions de Dollars).

C'est donc la carte du huis clos que le réalisateur Pete Travis a décidé de jouer, ce qui n'est pas forcément un mauvais choix mais a au moins le mérite de limiter les séquences en extérieur, beaucoup plus coûteuses, surtout lorsqu'il s'agit de SF.

Hormis la très nerveuse séquence introductive de poursuite dans les rues de la ville, c'est donc entre les quatre murs d'un bloc résidentiel (appelé Peach trees) que se déroule l'histoire, laquelle, vous vous en doutez, n'offrira pas moultes richesses d'inventivité.

Alors évidemment, de ce choix de mise en scène découlent fatalement une certaine linéarité et un cruel manque de relief dans le scénario. Pas de rebondissement ou de twist spectaculaire, du genre héros qui devient méchant ou inversement, héros qui meurt mais qui, en fait, n'est pas mort, etc. Rien de ce genre. On mise tout sur le survival pur et dur. Deux juges enfermés dans un bloc mis en quarantaine par celle que l'on surnomme Mama, une redoutable chef de gang qui tente de protéger son laboratoire géant de slomo, une drogue terriblement addictive (je vais revenir dessus) en envoyant tous ses sbires exterminer les deux intrus. A défaut d'originalité, Dredd tend à se distinguer par son efficacité, grâce à une mise en images brute de décoffrage et directe, et des prises de vue parfois impressionnantes de réalisme.

Côté persos, on fait le tour rapidement. Hormis le Juge Dredd et sa recrue, le personnage réellement digne d'intérêt, c'est elle : Madeline Madrigal, ou Mama pour les intimes. Une ancienne prostituée devenur chef de gang, dont la rumeur dit qu'elle a émasculé son ex avec les dents après que ce dernier l'ait défigurée. Joli tableau, n'est-ce pas? Du sur mesure pour Lena Headey ("300", "American nightmare", "Game of Thrones",...). Concernant le perso principal, difficile d'évaluer le jeu d'acteurs de Karl Urban, ce dernier étant intégralement casqué tout au long du film. Pas de regards donc, voix monocorde au possible. On a plus l'impression d'avoir affaire à un robot qu'autre chose. Ce n'est pas une critique en soi, puisque le personnage de Dredd est ainsi. Inflexible, imperturbable et violent. Voilà qui donne encore une fois le change avec la version stallonienne, où ce dernier avait un côté beaucoup plus humain (personnellement, je préfère la version 2012 de loin).

L'autre petit couac empêchant Dredd de s'envoler repose certainement sur le budget. Autant l'idée du huis clos se pose là intelligemment, autant le manque de budget se voit assez souvent. Les décors du bloc de Peach trees a souvent un côté cheap et un peu trop dépouillé. En fait, le fond du problème, c'est que l'histoire du Juge Dredd se déroule normalement au XXIIIème Siècle. Dans le premier film, un certain niveau de technologie avait tout de même subsisté (véhicules volants, robots de guerre, champ de sécurité laser, etc.). Dans cet opus, tout est à l'économie. Hormis l'arme futuriste polyvalente du héros, y'a pas grand chose à se mettre sous la dent. Il ne reste rien. D'ailleurs, les méchants ont tous de bonnes vieilles armes (le classique fusil à pompe, les pistolets mitrailleurs de base, etc.). J'en suis resté assez déçu, je dois dire.

Ensuite, bien qu'il n'y ait pas d'effets spéciaux en grand nombre, le film en impose par son côté ultra-violent voire souvent gore, et extrêmement sanglant (à ne pas mettre devant tous les yeux, d'ailleurs). Mais en contre partie, trop d'hémoglobine tue les effets, et le sang numérisé a souvent à l'écran une couleur étrangement claire et fausse, rendant l'ensemble visuellement inégal.

Par chance, Dredd propose de relever le niveau par une mise en scène maîtrisée et tendue, et une certaine fluidité dans l'action. Fluidité qui est (trop) souvent contrecarrée par un effet de ralenti dont on se serait -à mon goût- volontiers passé. Je veux parler du slomo, cette étrange drogue synthétique que contrôle et distribue Mama, et qui a pour effet principal de faire croire à son consommateur que le temps est ralenti à l'extrême. Ce n'est en réalité qu'un prétexte à toutes sortes de prises de vue ralenties, plus ou moins gores, et prévues pour mettre la 3D en avant (Dieu merci, je ne l'ai pas vu en 3D).

CONCLUSION :
Avec un affrontement final trop plat apportant la conclusion d'une histoire en ligne droite, quelques légères maladresses visuelles et un scénario pas assez étoffé, Dredd a beaucoup de peine à se hisser au niveau des productions Marvel et DC actuelles, ce qu'il ne parvient d'ailleurs jamais à faire malgré une bonne volonté flagrante. Dredd 2012 se veut divertissant et assez subversif par son côté sanglant. Il y a un parallèle évident à faire entre les deux adaptations Judge Dredd, et les deux dernières de Punisher. L'une se voulait plus tout public et l'autre bien plus hardcore et fan service. De ce point de vue, Dredd se montre à la hauteur. Pour cela, je restera tout de même à trois étoiles.
Ri_Tchy
6
Écrit par

Créée

le 9 août 2014

Critique lue 548 fois

Ri Tchy

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