Sous le signe du Scorpion
Les avis sur DRIVE sont contrastés, certains parlent du thriller de la décennie et d’autres de film d’épate sans âme…
Il y a quelque chose qu’on ne peut dénier au metteur en scène c’est sa virtuosité à nous impliquer complètement dans cette histoire somme toute classique mais fichtrement bien filmée et ce dès la première séquence qui est un tour de force de rythme et de tension. Le « conducteur »/Gosling ne fait plus qu’un avec sa voiture qu’il maîtrise complètement – arrêts, accélérations, art du camouflage – et se révèle au spectateur avec trois lignes de texte. Justement le personnage oh combien énigmatique joué par Ryan Gosling crève l’écran de par son épure : ce cascadeur aux mœurs nocturnes étranges interroge le spectateur, le séduit, le dérange. On ne saura pas d’où il vient ni ce qu’il devient après le générique, on ne comprendra pas vraiment ses motivations sauf lorsque la pègre locale s’attaquera à sa famille de substitution : un garagiste combinard et une jeune femme et son garçon. On en vient même à se demander si le personnage existe vraiment : on aime encore et pour longtemps les personnages sans nom et à la personnalité cryptique – souvenez-vous de certains films de Eastwood. Le film passe de séquences lumineuses, dorées et heureuses à des moments de haute tension et de violence graphique débridée – parfois on sent les influences évidentes : le metteur en scène a dû potassé son petit « Scarface » de De Palma, son « Collateral » de Michael Mann et des classiques des années 60/70 comme « Bullitt », Nicolas Winding Refn l’admet lui-même – mais il apporte sa touche 21e siècle au métrage par sa façon de filmer les courses-poursuites et la ville de Los Angeles qui devient complètement envoûtante de nuit par les choix esthétiques et ne parlons pas de la BO faite de titres electro très « mode » qui donne aussi son identité au film. Après il faudra voir comment l’ensemble passera l’épreuve du temps.
En ce qui me concerne DRIVE est plus qu’une série B gonflée à bloc et aux images « arty ». C’est un film sombre et séduisant comme son héros, beau et laid comme L.A., romantique un peu mais surtout désespéré sur le genre humain.