Musique old school, titrage rose flashy, dès le générique, impossible de s'y tromper : nous sommes bel et bien dans le Los Angeles des années 80.
Quelques plans pour nous situer, avant de rentrer dans le vif du sujet : en l'occurrence, l'histoire de Driver, interprété par Ryan Gosling, pilote de cascades pour Hollywood, et qui arrondit ses fins de mois en servant de pilote pour braqueurs. La situation, qu'il explique en off d'une voix monocorde, est simple : il offre aux criminels cinq minutes, durant lesquelles il est avec eux à 100%. Il ne participe pas au braquage, ne porte pas d'armes, il conduit. Au bout des cinq minutes imparties, il se retire, a eux de se débrouiller.
Une simplicité que l'on retrouve dans la réalisation, simple, mais diaboliquement efficace, dépourvue de fioritures et d'effets de manche. Nicolas Winding Refn filme son acteur au plus près, entrecoupant de ci de là son récit de plans aériens de la ville, proches de ceux de Michael Mann dans son Collatéral. Ryan Gosling ne fait qu'un avec sa machine, et cela se voit. C'est plutôt avec les autres êtres humains qu'il serait mal à l'aise...
L'Autre, c'est sa voisine Irene, incarnée par Carey Mulligan, accompagnée de son fils Benicio. La belle a des soucis de mécanique, qu'il s'empresse de résoudre. Elle a aussi des problèmes personnels, avec un mari qui sort de taule et se retrouve dans les ennuis jusqu'au cou. Et là, les choses se compliquent pour le pilote, qui ne parvient jamais à se rapprocher de la jeune femme autrement que par le biais des voitures. La mise en scène d'une simplicité superbe accentue ce gouffre séparant les deux êtres, ne les rapprochant que le temps de balades dans L.A. à bord du véhicule de Driver.
Le turning point du film, c'est cette rencontre avec Standard, le mari. Driver ne peut aider Irene qu'à travers lui, en ayant recours une fois de plus à ce qu'il sait faire de mieux : conduire. Conduire pour combler la distance entre eux, pour essayer, juste un peu, de rentrer dans sa vie pour ne plus en sortir. Mais les choses ne sont pas aussi simples, on s'en doute...
Des scènes d'une beauté et d'une douceur lancinantes précédent des éclats de violence dont la soudaineté et le réalisme cru surprennent doublement. Le réalisateur filme ces débordements sans pudeur, de façon très charnelle, à la façon d'un Cronenberg, les opposant ainsi aux véhicules qui conduisent leur vie.
L'histoire s'accélère, lui préfère ralentir le rythme, usant de fondus enchainés comme pour adoucir cette succession de meurtrissures, donnant à ces scènes un aspect onirique.
Un excellent exemple de mise en scène simple et intelligente, porté par l'interprétation d'un Ryan Gosling, dont la sobriété et la retenue fait écho au reste du film.
Un très bon polar, à la fois nerveux et contemplatif, dans la lignée d'un Collatéral, en plus violent.