[Spoilers]
Ryan Golsing a 3 compétences : il sait conduire, draguer la fille du film sans parler, et tuer des gens avec des marteaux.
J'insiste sur le fait que Ryan est un mec qui conduit. Il ne sort pas avec des potes, il ne parle pas à des gens, il ne va pas chez Ikea, il conduit, juste. Juste, vite et bien. C'est un gars simple, qui a la particularité d'arriver à se balader avec un cure dent dans la bouche en étant presque aussi classe que Laurent Blanc avec une touillette dans la sienne. Une sorte de cow-boy moderne ce Ryan, avec une voiture à la place du cheval, un cure-dent en guise de cigare, une vie dont on ne sait rien (à part « voitures – truands - marteau ») et un code de l'honneur qu'il suivra jusqu'au bout.
Pour qu'il tombe amoureux, Nicolas Wending Refn a choisi Carey Mulligan. Très bon choix. Elle fait la même tête dans tous ses films, et voilà justement un film où on ne lui demande absolument pas de changer d'expression. Elle n'aura même pas à ouvrir la bouche. Juste à être fascinée par tout le mystère qui entoure le personnage du beau Ryan.


Le début du film est dédié à cette rencontre : ils se croisent dans l'ascenseur, au supermarché... Puis on y vient : la voiture. Ils y ont leur moment à eux : en 2 minutes top chrono, ils ont roulé sur une autoroute désaffectée au coucher du soleil et fait des ricochets dans une rivière, avec en fond, ce qui devient automatiquement « leur musique ». C'est la parenthèse sucrée de Drive, son moment de verdure. On trouve ça presque mielleux, mais comme Ryan ne dit jamais rien, on ne tombe jamais vraiment dedans.


Le film reprend ensuite son rythme, baignant dans un petit fond de musique crépusculaire urbaine qui, un peu comme dans les films de Michael Mann, plonge le spectateur dans une espèce de mélancolie de nuit métropole. Et la situation se délie. L'espèce de douceur entrevue dans le début du film, explose totalement lorsque le mari de Carey Mulligan sort de prison et est retrouvé par des truands à qui il doit des sous. Ryan Gosling, son cure dent et son sens de la justice, vont vouloir l'aider, pour au final se retrouver seuls contre tous. Le film bascule alors dans une violence très sud-coréenne, où marteaux et pieds de biches sont de sortie. Ryan Gosling, héros sociopathe à idée fixe, n'agira alors pour rien d'autres que protéger la famille qu'il vient de se trouver. Peu importe le nombre de tête qu'il faudra piétiner jusqu'à ce qu'on puisse en voir le cerveau.


La réalisation sublime tout sur son passage, et on ne s'ennuie jamais, même quand il s'agit simplement de regarder un mec conduire avec son reflet dans la vitre. Le personnage de Ryan Gosling est précis, violent, sait où il va, et parvient à accrocher le spectateur à son siège. Il est mono-expressif, mais Nicolas Wending Refn sait si bien le filmer qu'on est suspendus au moindre signe sur son visage qui pourrait montrer une émotion, un signe qu'il est humain. Carey Mulligan, qui connaît finalement peu de choses de lui, va tout comprendre en un éclair dans une scène d'ascenseur ultra-violente mais sublime. C'est là toute la poésie et la réussite de Drive : réussir à nous faire vivre une histoire d'amour intense en se contentant de la suggérer. Dans la seconde partie du film, Carey Mulligan et Ryan Gosling ne sont en effet que très rarement réunis, mais à chaque fois qu'on pourrait perdre de vue que Ryan fait tout par amour, une scène fulgurante vient nous rappeler la puissance de l'histoire qui se joue entre 2 êtres qu'on connaît pourtant à peine. La fin de Drive procure exactement ce sentiment : alors que le film semble se concentrer sur le dénouement de l'histoire de fric et de sang qui nous a occupée pendant une bonne partie de la séance, un dernier plan fabuleux vient nous rappeler qu'on vient d'assister à une histoire d'amour comme on n'en voit peu au cinéma : Ryan Gosling, assis dans sa voiture avec un coup de couteau dans le ventre, ferme les yeux, et on entend une petite musique monter dans sa tête : celle de leur couple, celle qu'on écoute en boucle, celle qui donne envie d'y retourner.

kernjoly
9
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Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les plus belles scènes de fin et Top 10 2011

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le 12 oct. 2011

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Kern Joly

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