En surface, tout est parfait. La réalisation est millimétrée, pensée de bout en bout, faisant un usage intelligent et organique de chaque plan, de chaque cadrage, tout en restant au service du fond. Ainsi on notera comme, le silence étant de mise, c'est la caméra qui définit ce 'héros' sans nom, de quelle façon les plans sur son regard accroché dans le rétroviseur (les jeux de miroirs et reflets de manière générale) suggèrent si ce n'est sa schizophrénie, au moins sa dualité (avec, il faut bien le reconnaître, beaucoup plus de subtilité que n'en usa un certain Darren Aronofsky plus tôt cette année) et comment le moindre détail visuel (le blouson pour n'en citer qu'un) est une pièce de plus au puzzle visant à recréer dans ce chauffeur une sorte de légende, un archétype de la figure du héros, avec ses définitions personnelles du Bien et du Mal allant au delà d'une simple dichotomie.
Si ce soin constant, cette forme où rien n'est laissée au hasard peut sembler déshumaniser le film, elle se justifie parfaitement, reflétant justement le caractère méticuleux du chauffeur, soulignant sa propre déshumanisation, sa sociopathie. Rien à redire non plus sur la performance de Ryan Gosling qui semble avoir tout saisi de la composition de son personnage, ou plutôt de la façon dont ce chauffeur se veut être écrit comme une entité mythologique plus qu'une véritable personne.
Et cela fonctionne. On ne décroche pas une seule seconde, on est dedans et en phase avec le film, notre moteur interne calque sa vitesse sur la sienne, que ce soit dans les (rares) moments de tendresse ou lors des séquences ultra violentes, faisant vraiment de Drive une expérience intense, dense... presque hypnotique sur le moment.
Mais seulement sur le moment. Car une fois la séance terminée et le film décanté, je n'y ai personnellement pas trouvé de résonance post-visionnage... Comme si cette surface parfaite était finalement la seule couche - ce qu'on peut considérer ici comme un choix de faire du cinéma et non comme un défaut d'écriture.
Sans doute parce que ce chauffeur m'est apparu comme un mythe, parce qu'il est difficile de créer une connexion empathique au-delà du présent de narration avec un personnage qui fait parfois douter de l'existence de son âme, le film ne restera pas ancré en moi, ne sera sans doute pas de ceux que je voudrais revoir.
Finalement, plus qu'un pur objet de cinéma - qu'il demeure, dans l'exploration de toutes ses fabuleuses possibilités comme dans ses limites - Drive restera à mes yeux un pur *moment* de cinéma, une immersion parfaite et totale qui vous fait quitter le siège de la salle pour celui de la voiture, mais qui ne se vit qu'au présent perpétuel de la séance.
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