Ed Wood. Peut-être mon premier véritable coup de coeur dans la cour du sir Burton. Parce que décalé vis-à-vis d'une filmographie fantastique la plus souvent mise en avant, le comique du film, mâtiné d'un noir et blanc classieux, enrobe un synopsis original et captivant. Contant les déboires d'un cinéaste raté dont la prétention et le rêve sont de succéder à Orson Welles, le film brille de mille feux d'opales par les affres touchants d'un protagoniste à la personnalité exubérante : vissée entre la naïveté, l'enthousiasme et une crétinerie profonde. Un imbécile heureux, en somme, qui fait le plaisir du spectateur par le procédé éhonté du comique burlesque, où chaque ego de l'ombre peut se mesurer à celui mis principalement en lumière par les projecteurs du réalisateur. Rivés vers l'habituel Johnny Depp, qui incarne à la perfection un « Edward Wood Junior » de tout poils d'Angora, ils subliment d'un esthétisme du charme et d'une aura toute classique un destin frondeur condamné à l'oubli perpétuel.
De but en blanc, les échecs du héros se succèdent pour faire tressauter des ressorts comiques, autant que pathétiques, qui constituent les agréables péripéties fantaisistes d'une troupe d'acteurs désœuvrés mais habités par un rêve et une Passion commune : la célébrité alliée à une reconnaissance artistique méritée. Mais c'est sans compter sans le dilettantisme périlleux de notre touche-à-tout en chef, qui dirige ses acteurs selon un adage optimiste récurrent : « c'était parfait ». Candide, il omet le souci du détail, qui n'échappe cependant à aucun regard extérieur, mais remplit inlassablement sa quête à peine motivée d'authenticité. Prétexte plus que ligne artistique, elle est menée par une urgence sur laquelle repose la réalisation de tous ses films. De seconde zone, ils sont en toute évidence placés sous l'égide miteux de maisons de production peu regardantes, soit par crédulité, soit par excès de vanité. Il arrive cependant, et en tout état de cause, que notre face patibulaire et gominée se heurte à la forteresse d'un business dont l'exigence commerciale est relayée par celle plus légitime du « Bel » Art. Pas exclusifs, ils représentent deux univers utopiques auxquels le rêveur invétéré aspire sans jamais pouvoir décrocher une seule de leur étoile. Aux antipodes du succès, il colporte les quolibets et l'hostilité d'un public qui constitue la masse critique la plus acerbe.
Conspué, il ne cède en aucune façon au pessimisme, et c'est cette obstination pour la réalisation d'un rêve d'enfant qui fait de cette attendrissante tête à claque l'une de nos plus attachantes découvertes. Il faut comprendre qu'Ed Wood, sans plus en dévoiler sur un scénario pavé de délices, possède un cachet Artistique dont peu de films peuvent se targuer. Parce qu'il met en abyme son essence, il rend merveilleusement hommage à la face la moins avenante du septième Art, baptisée sous le sceau du dévouement et de la persistance comme ultimes moteurs créatifs. En cela, le film plonge profondément ses racines dans une leçon implicite qui instigue à chaque réalisateur de faire battre l'image selon son coeur et non pas selon les codes d'une Industrie Hollywoodienne déforestée.