[ Alerte Spoilers ]


Je vous résume en deux mots le pitch du film : deux amoureux profitent d’une pause bienvenue dans leurs emplois du temps anxiogènes pour aller se ressourcer près d’un petit coin de paradis, trouvaille de Steve, le mari. La rencontre avec la petite délinquance endémique va provoquer un point de non-retour fatal.


Le caractère antinomique du titre et de la situation présentée dans le film révèle une dualité mordante. Comment un petit coin de paradis peut devenir en quelques instants votre enfer le plus viscéral ?


Survival dans une forêt angoissante, Eden Lake évite les poncifs du genre pour se focaliser sur l’antagonisme abscons entre le duo énamouré et la bande qui leur fait face. Le rythme est ici haletant, la traque étant donné par Brett, leader de cette horde juvénile assoiffée de sang, cherchant vengeance pour le meurtre accidentel de leur chienne par Steve. Dès lors leur credo tiendra en un proverbe bien connu « Œil pour œil, dent pour dent ». La vengeance sera leur moyen d’expression, leur leitmotiv omineux. Le suspense, lui est constant allant jusqu’à tendre dans le malsain dans cette chasse à l’Homme semblant sortir d’un autre temps et pourtant tellement réaliste. Réalisme glacial car ici vous n’aurez ni zombies ni démons poussiéreux en tous genres, prompts à vous faire sursauter aux détours de jumps-scares hasardeux mais une bande de jeunes ados pré pubères en mal de sensations fortes dont la traque acharnée du couple va vous glacer le sang. Tirée de faits divers récents, Eden Lake fascine comme révulse par son côté bestial. L’environnement forestier mis en valeur par une photographie terne met en perspective son côté oppressant et sinistre replaçant Jenny et Steve au centre d'un labyrinthe arbustif duquel leurs assaillants connaissent chaque recoin apposant ainsi un rapport de force.


Les délinquants menés par Brett (Jack O’Connell) n’auront de cesse d’égrener les marches de la surenchère de la violence pour atteindre le summum de la barbarie humaine avec l’immolation de Steve. Les adolescents dépassés à un moment donné par la gravité de leurs propres faits ne pourront pas reculer devant l’atrocité de leurs actions. Parachever le travail sera l’obsession voire même la finalité de Brett, leader dément aux sombres et obscurs desseins, n’hésitant pas à forcer ses acolytes plus timorés à se joindre à la danse lancinante de la mort subjuguant ses pulsions meurtrières. Jenny (Kelly Reilly) sous le choc après la mort de Steve sombrera elle aussi, sous le coup d’une rage et d’une détresse bridée par la proximité des responsables, dans cette sauvagerie inhumaine assassinant deux des assaillants empêchant, de fait, tout manichéisme de poindre à l’horizon.


Quelques défectuosités apparaissent tout au long de l’histoire, en témoigne le fait que les deux fuyards sont rattrapés de façon incessante par leurs poursuivants de façon trop aisé. Film minimaliste tirée de faits réels, le métrage dépeint le désarroi des couches sociales populaires aux abois. James Watkins nous rejoue cette incessante lutte des classes, cette fois-ci au beau milieu de la forêt entre personnes issues de la middle-class anglaise et gamins nés au crépuscule du thatchérisme. La mise en scène des derniers instants de Jenny est orchestrée de façon assez maladroite pouvant amener à une stigmatisation des couches populaires et d’un sous-entendu tirant vers leur dangerosité.


Expérience traumatisante, Eden Lake doit très probablement être le film d’horreur qui m’a le plus marqué : des scènes de tortures sur Steve enchainé à l’aide de barbelés à ce final traumatisant, les images sont insoutenables. L’horreur du twist final (et notamment des dix dernières minutes) aura fini de mettre à mal un spectateur impuissant face aux événements d’une rare violence morale et physique se déroulant sous ses yeux.

Jokalex
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le 20 juin 2015

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