Enemy Mine aurait pu être un chef d'oeuvre.
"Enemy Mine" fait partie de ces films qui commencent en grande fanfare, avec une créativité qui coupe le souffle, mais dont la fin est terriblement téléphonée et gâche tout.
La première partie commence par une scène de bataille spatiale entre des chasseurs spatiaux humains et des chasseurs dracs, une race concurrente. Deux pilotes tombent sur une planète inhospitalière. La suite peut rappeler "Duel dans le Pacifique" de Boorman : le Drac et l'humain, confrontés à un environnement hostile (planète volcanique stérile, chute de météorite, faune répugnante) vont coopérer, et même s'efforcer de surmonter leurs différences culturelles et physiologiques.
Dans la deuxième partie, le drac meurt après avoir donné un enfant (oui, ils peuvent faire ça). Mais de méchants exploiteurs de drac le trouvent et l'utilisent pour exploiter une mine de cailloux. Donc le héros humain revient pour le sauver, en tuant de manières diverses les méchants.
La première partie est intriguante, humaniste et magnifique : les paysages désolés et volcaniques, avec des couchers de soleil incroyables, sont superbes et vont bien avec la tonalité humaniste du film (comme dans un bon Valérian, quoi). Le drac est une création originale, intéressante, avec son visage à deux couches hérissés sur le front de petites piques, son cerveau d'insecte en partie découvert sur l'arrière, et surtout sa manière d'osciller la tête de manière saccadée, les yeux grands ouverts. Mais le meilleur vient du langage drac, profondément inhumain et repoussant avec ses gargouillis. Le scénario fait la part plus belle à cette espèce, tolérante et courageuse, qu'aux humains, présentés à travers Davidge comme insatisfaits, créatifs et agressifs. La culture drac, avec cette espèce de Bible, et les chants qui changent les gargouillis en mélodie étrange, sont très bien trouvés. Jusque-là, donc, l'histoire est ample, les dialogues bien écrits, les personnages touchants, avec cette faune étrange, ces effets spéciaux discrets mais réussis, cette histoire de tolérance qui pourrait être ridicule mais ne l'est pas, et puis cette touche "Robinson Crusoé de l'espace", visible à la barbe que laisse pousser Dennis Quaid.
Et puis vient la deuxième partie, les scènes larmoyantes où le gamin, Zammis, est élevé, puis se fait enlever, où Davidge est laissé pour mort, revient contre toute vraisemblance à la vie, puis fait tout ce qu'il faut pour tenir sa promesse de rendre le gamin aux siens, en tuant au passage plein de vilains (dont le plus beau est joué par Brion James, le méchant réplicant Leon dans "Blade Runnner"). Dès la scène où Davidge initie Zammiss au football américain, on voit progressivement Davidge se transformer en vieille grand-mère. Les scènes d'action s'enchaînent, offrant une version au rabais de la déjà énervante scène de la mine dans "Le temple maudit", et l'on voit arriver la fin sans regret.
C'est un grand dommage que la deuxième partie annihile à ce point tous les bons points de la première. Dans ses prémisses, "Enemy Mine" avait tout du petit joyau de la SF, et marchait allègrement sur les pas de "Planète interdite". Quel dommage, vraiment, qu'il se termine en film des années 1980.
Je mets quand même 7 car je veux garder les bons côtés.