Comme beaucoup ici, à mon tour de faire mon mea culpa : Evil Dead est un film culte, le plus influent de son époque et une référence du cinéma d'horreur... et je viens seulement de le regarder, après avoir vu le remake. Pourtant grand amateur de films du genre à mon adolescence, la franchise m'apparaissait toujours lors de mes recherches, mais son côté oldschool ne m'attirait pas, et puis j'ai ensuite petit à petit délaissé les pellicules sanguinolentes pour la science-fiction. Il est extrêmement difficile aujourd'hui de poser un œil objectif sur ce film qui date de trente ans, quand on le découvre, et surtout après avoir déjà vu ses nombreux successeurs et copycats auparavant.
À vrai dire, je m'attendais à ce que le long-métrage apparaisse vieillot, mais pas à ce point. Pourtant, je m'accorde souvent quelques séances anciennes ; je me suis fait l'intégralité des Massacre À La Tronçonneuse, des Vendredi 13, et des Freddy Krueger fut un temps, même des films SF aux décors carton-pâte tels que Planète Interdite ou The Thing ne m'ont pas dérangé le moins du monde. Mais ce premier film de Sam Raimi, c'est vraiment la définition même de "petit budget", avec à peine 100 000 $ lui ayant été alloué. Du coup, ce manque de financement est assez flagrant à l'écran, ce qui n'empêche pas le réalisateur d'aller jusqu'au bout de ses idées, même si on vire parfois (souvent ?) dans le ridicule.
Les maquillages et toutes sortes de prothèses par exemple. Car en plus d'être un film d'horreur, Evil Dead est un film extrêmement "gore" - le mot perd un peu son sens ici selon la crédibilité des scènes. Du faux sang par gallons, des membres coupés et arrachés à pleine dents, de la cervelle contre le mur, des têtes explosées, des entrailles jaillissantes, des litres de pus, des visages démoniaques.... Sam Raimi a voulu son film le plus dégueulasse possible, peu importe la censure, et ça se voit. La scène du démembrement étant certainement la plus marquante sur ce point. Mais pour ce faire, il en a fallu des prothèses et des masques, à tel point qu'arrivé vers la fin du film, les maquilleurs et acteurs ne se souciaient même plus des raccords de peau au niveau des yeux, ou du bas du visage, et laissaient clairement entrevoir cette couche synthétique - ce qui contribue entre autres à donner ce côté très cheap au film et assez nanardesque. On peut aussi parler de la décomposition des démons en stop motion/pâte à modeler qui ne passe pas toujours très bien à l'écran. Mais tout aussi faux que ça puisse être, ça reste bien crade.
Néanmoins, il y a bien une raison qui a fait la renommée de ce film, qui a fait que l'ensemble des critiques, dès les premières diffusions ont ovationné Evil Dead et le travail ingénieux de Sam Raimi, que ce soit dans l'histoire, ou même dans sa réalisation, que Stephen King a adoré d'emblée et l'a incorporé dans son top 5 et surtout que le film s'est élevé au milieu de la pléthore de séries B régnant à l'époque. J'ai juste du mal à m'en rendre compte comme j'avais pu le reconnaître pour d'autres œuvres pionnières d'un (sous-)genre cinématographique. L'histoire est souvent citée dans ces points de démarcation. Si on a souvent eu le droit à la bande de jeunes reclus dans un coin perdu pour passer du bon temps, et alors attaquée par une créature, un monstre, un psychopathe, Evil Dead lui fait intervenir un démon, comme si L'Exorciste s'invitait dans un Vendredi 13.
Toutefois, la tournure reste somme toute basique, sans aucun développement de personnage, et un enchaînement de meurtres tous aussi macabres les uns que les autres. Il y a bien un personnages qui intéresse, c'est Ash. Qu'on ait vu ou non un volet d'Evil Dead, Ash Wilson est devenu une figure emblématique du cinéma d'horreur, et pas seulement. Pourtant, dans le film il n'a pas beaucoup de prestance, et est assez chétif même. Il finira par affronter les forces du mal seul et cela prend un peu le contrepied de tous ces films où la dernière survivante est une femme. Les acteurs sont par ailleurs tous amateurs, ce qu'on pourrait presque excuser tant, par moments, ce ne sont pas leurs jeux les plus ridicules. Et puis, pour le peu de temps qui leur est consacré...
Mais, si l'on a la plupart du temps l'impression d'être devant un bon gros nanar, Evil Dead parvient à déployer une certaine atmosphère malsaine, inquiétante, même encore trente ans après, malgré tout l'apparat grossier du film. Et c'est sans doute cet aspect qui a réussi au long-métrage. Un côté tout d'abord transmis par l'humour noir et les réactions dérisoires des personnages face à certaines situations qui font qu'on est toujours entre la limite du film qui se veut sérieux et de celui qui se sait grotesque et en joue. La parade des possédés assimilables à des clowns funèbres retranscrit plutôt bien cette dimension extravagante accordée au long-métrage.
Comme dit précédemment, le style de réalisation de Raimi a été très remarqué à l'époque, mais apparaît aujourd'hui très amateur et parfois bien pauvre. On y décèle quelques bonnes idées pour instaurer une certaines tensions dans les nombreux plans obliques, mais surtout dans les prises subjectives du démon à travers les bois qui confèrent tout de suite une ambiance pressée et opprimante. Enfin, c'est surtout Joseph LoDuca, en charge de la bande-son qui instaure la majorité de l'esprit angoissant du film, à travers des descentes de gammes soudaines au piano et cordes stridentes bien tendues. Entre ses morceaux, de nombreux bruitages viennent parfaire l'aura malsaine dégagée par la cabane, ses alentours, et la présence des démons. Une bien belle cacophonie diabolique qui, à elle seule, parvient à mettre mal à l'aise.
Au final, je pense qu'Evil Dead, malgré son statut culte et la renommé qu'il a glanée à sa sortie, a plutôt mal vieilli pour pouvoir être encore apprécié comme il y a trente ans, et surtout n'a clairement plus du tout le même impact. Force est d'admettre qu'en dépit d'une certaine atmosphère qu'il parvient sans problème à installer, tout le reste du film se montre plutôt laborieux (faute à un budget minable) et, à moins de vouloir assister à la naissance de ce héros culte qu'est Ash, le long-métrage n'a que peu d'intérêt et s'avère plus comique que traumatisant. Certains spectateurs y trouveront certainement leur compte en parvenant à se remettre dans le contexte de l'époque, sinon, à part pour le public nostalgique qui doit encore s'en délecter avec plaisir, ou histoire d'accompagner une soirée bien arrosée, Evil Dead a clairement fait son temps.