"Alors comme ça, tu vas faire le quatrième épisode sur Fight Club, hein? Tu t’attaques au monument? Au film culte? David Fincher, ça change de Wes Anderson, mec!
-Euh... Mais t'es qui, toi?
-Dylen Tredur.
-Et tu te tapes l'incruste dans ma critique, comme ça, sans me demander mon avis?
-Eh ouais. Dis, t'as remarqué que dans les titres des "RMM" (il mime des guillemets avec ses doigts, moqueur) tu écris le titre du film critiqué? C'est inutile, les gens savent très bien duquel il s'agit, pas la peine de le répéter dans le titre! Tu peux juste écrire le numéro de l'épisode et c'est bon. Read My Mind #4. Point.
-Mais... C'est juste pour que ce soit clair!
-Ouais, c'est bien ce que je dis, tu prends les gens pour des cons. Et puis c'est quoi ce titre "Read My Mind"? T'as honte du français? Tu veux faire plus cool, tu te la joues bilingue sans raison?
-Je fais ce que je veux, et puis on s'en contrefout. Je vais plutôt parler du film, si tu permets.
-Tu es libre, tu n'as pas à me demander mon accord.
-Bref. Chères lectrices, chers lecteurs, si vous n'avez pas vu le film, arrêtez-vous là, ma critique est un énorme spoiler intégral, et pour bien apprécier Fight Club, il faut le découvrir par soi-même. Donc:

Spoiler Alert
https://www.youtube.com/watch?v=adSuUOUi3bo

En plus, ça vous fait une petite bande son pour attaquer ce pavé long et chiant que j'ai amoureusement écrit pour vous.
-Oui, mais...
-Raaaah, quoi encore?
-Cette musique n'a aucun rapport avec le film! Tu mets ça juste parce que ce morceau s'appelle Spoiler Alert. Et je suis sûr que tu es fier de toi.
-Tu comptes ruiner toute ma critique comme ça?
-Oui.
-Génial. Bon, les amis, ignorez-le. On est d'accord, si vous êtes encore en train de me lire, c'est que vous avez vu le film au moins une fois.

En ce qui me concerne, c'est mon deuxième visionnage.

Insertion du Blu-ray, fermeture des volets, je me vautre dans mon fauteuil muni d'un sachet de madeleines au chocolat en ce magnifique dimanche après-midi. Dehors, il fait super beau. Ce serait parfait pour une balade au parc avec sa copine. Mais moi je n'ai pas de copine, je suis en pyjama, j'ai énormément bossé ces derniers temps, alors j'ai juste besoin d'un bon gros film.

Bordel, ça fait une page entière sur mon logiciel d'écriture que je raconte ma vie, et pas une ligne sur le film.

Bienvenue dans ma tête (service non remboursable)

Je suis la critique de Jack.

Rien que le montage du menu blu-ray est une pépite : ça ouvre sur un faux menu d'un film à l'eau de rose, puis l'écran se brouille et le vrai menu apparaît.

Et hop, les nichons de bob.

Toute la structure de Fight Club est le pilier de sa singularité ; lors du premier visionnage, il faut un bon moment avant de comprendre que le personnage est schizophrène et que les deux protagonistes ne font qu'un. D'ailleurs, selon votre degré d'intelligence, l'on peut deviner ce twist avant la révélation. Moi je ne suis pas très malin, alors forcément j'avais rien capté, et je fais partie des couillons extasiés qui ont ouvert grand la bouche au moment ou le film prend tout son sens.

Je le revois aujourd'hui, et il n'y a aucune fausse note. La deuxième fois est même bien meilleure, un peu comme quand on débute en couple (oui, cette comparaison n'était pas nécessaire). Il est très amusant de voir le film en connaissant son déroulement.

Edward Norton compare le consumérisme impulsif d'IKEA à du porno. C'est à partir de là qu'on comprend à quel film on a affaire.

Fincher a su brillamment marier divertissement massif et fiction sociologique, créant un film d'une rare intensité. L'analyse sociétale est faite entièrement du point de vue écartelé du protagoniste...
-Ça fait deux fois que tu dis protagoniste.
-Oui, je sais. Tais-toi. Donc, le film entier est un combat : celui qui se déroule en chacun d'entre nous. D'un côté, le conformiste à la vie dénuée de sens, de l'autre, l'anarchiste, qui semble donner du sens au premier, mais qui n'en a pas plus.
En effet, l'on adopte un point de vue nihiliste et narquois sur notre humanité : qu'importe si l'on rentre dans le moule ou si l'on se marginalise, aucune des deux options ne semble être une solution.

L'histoire peut être vécue telle qu'elle est présentée, mais j'aime à croire qu'elle est la représentation de cette lutte intérieure en chacun de nous.

Des cadrages splendides et une maîtrise irréprochable de la caméra participent à l'immersion dans cette descente aux enfer.

Je suis la prise de tête de Jack.

Ce qui est vraiment jouissif, c'est que Fincher achève la prouesse de réussir son film autant au premier degré, sans prendre en compte tout le message subversif qu'il contient, qu'au second.
Et Fight Club m'amène à penser à bien plus de choses que la partie intentionnelle et évidente. Par exemple, Le film est bourré de Contradictions et de paradoxes.

Brad Pitt ...euh, Tyler Durden qui se moque des hommes qui font de la muscu en appelant ça de la masturbation, alors que c'est exactement ce qu'a fait l'acteur pour le corps de son personnage, en est un cas de figure.
-Oui, mais Tyler est tiré de l'imagination de l'autre, donc logiquement il l'imagine musclé et beau gosse. Ça tient pas, ton analyse.
-Ah oui, zut. Je peux continuer quand même ?
-Te gênes pas, writing boy.

La contradiction la plus frappante (et cette remarque apparaît dans beaucoup de critiques) : le film dénonce ouvertement le consumérisme, alors qu'il en est un pur produit.

Même le personnage est une contradiction sur pattes : Il est à la fois l'opposé du double qu'il s'est créé, et pourtant totalement d'accord avec lui.

PÉNIS

J'ignore si mes propos sont clairs. Toujours est-il que Fight Club contient beaucoup d'interprétations possibles, nous ramène à notre réalité d'hommes modernes, si loin de nos besoins triviaux, éperdus dans les tribulations absurdes d'un quotidien désespérément immuable.

-Hah ! Comment tu te la pètes avec tes phrases !
-Dylen Tredur, encore toi. Je me disais : il m'a laissé tranquille ? Mais non, tu reviens me couper.
-Tu me fais bien rire, dans ton petit monde confortable, à étaler des banalités comprises de tout le monde, obvious boy! Tu crois que les lecteurs s'intéressent vraiment à ce que tu peux penser du film ? Qu'ils ont besoin de toi pour se forger un avis ?

Je suis l'autodérision de Jack.

Le film fait également preuve de beaucoup d'humour. Comme dans mes critiques, le quatrième mur y est franchi sans cesse, que ce soit avec la voix-off extériorisée qui nous raconte pourtant sa propre histoire BOOOM ! Autre paradoxe ! Bravo, Fincher, tu m'épates. Ou encore avec ces petites images subliminales intégrées dans le film, comme le fait Tyler Durden en sabotant les projections. S’entremêle alors la réalité du film à celle de son idéologie ; exactement comme le fait le personnage, qui ne discerne plus ses délires du réel à cause de son insomnie.
Tout s'imbrique intelligemment, permettant à cette œuvre intrinsèque de pouvoir être vue et revue en parvenant à se renouveler.

- « RMM »... Excuse-moi, mais ça me fait marrer. Tu t'y crois vraiment, hein ? Mais ça transpire l'amateurisme et l'égotrip, tes critiques du dimanche ! Sors de ton salon et ouvre les yeux, la vie, c'est pas ça.

Je suis la conclusion de Jack.

Malgré toute l'intensité et le l'aspect narratif jubilatoire, un reproche persiste : subversif ? Ça l'est certainement. Mais ce n'est pas subtil. Le message est évident, sans nuance. C'est d'ailleurs en partie ce qui lui a valu son succès auprès d'un si large public ; les gens aiment la subversion simple. Moi pas.
Ne vous méprenez pas sur mes propos, à mon sens Fight Club n'est pas prosélytique, au contraire ; on pourrait le penser anarchiste, ce qui n'est pas vrai puisque le portrait dressé des membres du projet chaos n'est pas plus flatteur que celui des bureaucrates bien pensants. C'en est même caricatural, voire cliché. Donc, il ne véhicule pas vraiment de message défini et nous offre une fin ouverte, qui laisse libre cours à nos pensées (dans mon cas, pas sûr que ce soit une bonne chose).
Non, ce qui me déplaît c'est que tout est amené très explicitement. Je préfère les films qui donnent à penser par soi-même que ceux qui vous disent directement quoi penser.
-T'es pas crédible.
-Quoi encore ?
-T'as même pas lu le livre.
-Et alors ? J'ai le droit de parler d'une adaptation sans avoir lu l'original, non ? D'ailleurs je trouve plus juste de les dissocier.
-Et puis, Qu'est-ce qu'il y a de mal à affirmer clairement la subversion ?
-Je viens de l'expliquer.
-Tu expliques très mal. D'ailleurs, ta critique c'est n'importe quoi, ça ne ressemble même pas à tes autres critiques.
-Comme Fight Club, il ne ressemble à aucun film, donc j'essaie d'écrire à son image.
-Exactement, comme tu n'as pas de créativité, tu décalques tout.
-Je dis juste que ce film est culte pour beaucoup de gens, mais peut-être pas toujours pour les bonnes raisons. J'avais rencontré un type qui s'était fait tatouer « In Tyler Durden I Trust » sur l'avant bras. Si ce mec avait été sur SC, sa critique aurait sûrement pu figurer dans cette liste:
http://www.senscritique.com/liste/Les_meilleures_critiques_de_Fight_Club/60833
-Donc, môsieur est supérieur à la masse ? Môsieur à tout compris ? Les gens ne sont pas au niveau de compréhension de môsieur ?
-Non, je dis juste que, bien que le film soit très bien fait, je ne trouve pas justifiable de l'aduler comme beaucoup le font. Il y a des films bien plus subversifs et démoralisateurs, que la forme rend moins accessible, mais qui sont bien plus riche, et c'est sans mentionner les livres.
J'aime beaucoup cette œuvre et trouve son succès mérité. Je respecte totalement ceux dont c'est le film préféré. Mais de là à en faire une bible, il ne faut pas exagérer.

PAN ! Edward Norton se tire dans la bouche.

Une autre chose qui me dérange avec ce film, à titre plus personnel, c'est qu'il ne me laisse pas bien. Pas dans une angoisse appréciable, comme me procure L'échelle de Jacob (un autre film qu'on apprécie très différemment la deuxième fois). Non, un mal-être un peu nauséeux et malsain. Parce qu'il est très négatif, et que je ne prend pas de distances, alors je m'imprègne de sa noirceur pessimiste.

Il est facile de comprendre pourquoi il est culte et tant apprécié. Même l'hypocrisie qu'on pourrait lui reprocher est justifiée dans le contexte. Rares sont les films aussi bien montés et ficelés que celui-ci.

-Blablabla. Blabla. Bla. Tu crois que tu possèdes les mots, mais c'est les mots qui te possèdent. Tu es enfermé dans tes exercices de styles à la mords-moi-le-nœud, ta petite masturbation cérébrale. Tu te décomposes, et on finira tous dans le même tas de compost. Tu...
-Attends un peu ! Je connais ce discours ! Qui es-tu vraiment, Dylen ?
-Ne me dis pas que tu n'as pas encore compris ?
-Compris quoi ?
-Ne te fais pas plus con que tu ne l'es.
-Attends... Non... C'est pas possible... Je refuse d'y croire.
-Et pourtant...
-Dylen Tredur... Dylen Tredur... Bon sang mais c'est bien sûr ! Tyler Durden ! Tu as juste inversé les lettres !
-T'es lent à la détente, dis-donc. Pas étonnant que tu trouves Fight Club imprévisible !
-Attends, ça veut dire que c'est moi qui sabote ma critique tout seul depuis le début?
-...
-Fuck. »

Je vous aime, vous et votre Tyler Durden intime.

N'hésitez pas à m'insulter dans les commentaires, pour cet amas de paragraphes particulièrement décousu, parce que mes phrases sont prétentieuses, parce que ce n'est pas drôle, pour l'introduction inutile, les mots subliminaux, etc.

VAGIN

Générique.

http://www.senscritique.com/liste/Read_My_Mind/599485

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le 4 nov. 2014

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Veather

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