Une approche quasi-documentaire de la guerre
Analyse pour mes cours.
En 1987, sept ans après Shining, Stanley Kubrick revient au cinéma avec son douzième film, Full Metal Jacket. Le film de guerre n’est pas un genre nouveau pour le réalisateur, en 1957, il réalise Les Sentiers de la gloire, dont l’intrigue se passe pendant la Première Guerre mondiale. Quand Full Metal Jacket sort dans les salles, l’exploitation hollywoodienne du conflit a déjà engendré de nombreux films, pratiquement dix ans se sont écoulés depuis les sorties de Voyage au bout de l’enfer et Apocalypse Now. Au cours de cette décennie, peu de films auront l’impact qu’ont eu les œuvres de Cimino et Coppola. Il faut attendre l’année 1986 pour voir un film vraiment sortir du lot, avec Platoon d’Oliver Stone. Ce dernier, qui était lui-même soldat pendant la guerre, s’est basé sur sa propre expérience du conflit. Le film se démarque des autres productions par sa démarche beaucoup plus réaliste. Platoon a obtenu quatre Oscars en 1987 dont ceux du meilleur film et du meilleur réalisateur. Full Metal Jacket, bien qu’il soit différent sur de nombreux aspects, est lui aussi inscrit dans une démarche réaliste.
Full Metal Jacket est centré sur un jeune engagé dans les Marines, surnommé Joker, durant la guerre du Vietnam. Le film est découpé en trois parties, la première en Caroline du Sud et les deuxième et troisième au Vietnam. On suit d’abord le parcours de Joker dans le camp d’entrainement de Parris Island. On y rencontre d’autres soldats mais on assiste surtout à leur entrainement et tout leur quotidien dans le camp. La deuxième partie se passe au Vietnam, ou Joker fait parti d’une unité de journalistes militaires. Il sera envoyé sur le terrain pendant l’offensive du Têt en 1968 dans la troisième partie. Joker se trouve alors face à la violence et l’absurdité de la guerre, mais il est aussi confronté à ses limites morales. A l’origine du film de Kubrick se trouve le livre Le Merdier, publié par Gustav Hasford en 1979. Ce livre est considéré comme l’un des plus grands sur la guerre du Vietnam. Lui aussi découpé en trois parties (« L’esprit de la baïonnette », « Victimes confirmées » et « Les grognards »), Le Merdier est un roman dans lequel le personnage de Joker raconte à la première personne son expérience de Marine.
Kubrick travailla pendant près de sept ans pour que le film puisse voir le jour. Comme le fera Steven Spielberg plus tard avec La Liste de Schindler, Kubrick a souhaité une caution documentaire pour l’histoire qu’il tournait. Il ira même jusqu’à refuser le son dolby pour un son mono, jugé plus réaliste, ainsi qu’un grain de pellicule proche de ceux utilisés par les auteurs de documents d’actualité . Cela créera une mise en abyme dans le film lorsque Joker effectue son travail de journaliste militaire. Kubrick s’est penché autant sur l’impact de la guerre sur l’homme que sur le traitement médiatique du conflit. Joker entrera en conflit avec ses supérieurs a propos du contenu et de la désinformation véhiculée par le journal pour lequel il travaille.
La réalisation de Full Metal Jacket est avant tout basée sur les acteurs et les dialogues, l’éclairage et la photographie sont proches du documentaire et l’effet spectaculaire est peu recherché. Kubrick nous montre une succession de scènes, dont Joker est le principal témoin, et nous montre la folie se répandre doucement. Elle atteindra le soldat Lawrence, qui ira jusqu’à tuer son supérieur et se suicider, las des insultes et humiliations qu’il récoltait tous les jours. Kubrick instaure une sorte de caméra-vérité, dont la tension augmente tout le long du film. Le critique Claude Sartirano déclara « Il n’y a pas de zones d’ombre dans Full Metal Jacket, aucune porte de sortie, pas d’endroit pour s’abriter. L’œil du spectateur touche physiquement l’écran, c’est-à-dire la guerre. Si le contact est rude, douloureux, voire scandaleux, c’est que Kubrick travaille dans l’urgence » . Stanley Kubrick refuse de montrer la guerre comme un spectacle irréaliste mais plutôt comme quelque chose de violent, stupide et inutile.