Les Âmes errantes
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"L'avenir est un fantôme aux mains vides qui promet tout et qui n'a rien." Cette citation de Nerval, lui l'auteur de l'ouvrage Les filles de feu et du recueil de sonnet Les Chimères permet d'ouvrir le bulletin météo du film Ghost Song, deuxième long-métrage de Nicolas Peduzzi. À Houston au Texas, en 2017, l'avenir, ce bon gros mot a le nez contre le bitume, bien écrasé sous le poids du capitalisme. Restent les fantômes, les mains vides, les corps criblés de balle, les rêves criblés de dalle, les pensées rongées, les promesses balayées. C'est là que Nicolas Peduzzi ouvre son film, dans les tempêtes silencieuses du quotidien de William, de Nate et d'Alexandra (moins silencieuse parce que connue sous le blase de la rappeuse OMB Bloodbath) alors que l'ouragan Harvey est annoncé à la télévision autant que par les captations du réalisateur.
D'une fluidité d'abord déconcertante puis passionnante, la narration entre ces trois personnages et leurs entourages s'avère être la grande force de ce film qui navigue de voitures en fractures, de deuils en tape-à-l'œil, de doutes en écoutes, de délires en désirs, de folies en agonies, d'amour en parcours, de parenté en déjanté, de Lucifer à l'univers. Le chemin de navigation emprunté n'est autre que le son de la musique, rappée, grattée, expulsée par ces corps qui sont tous, plus ou moins, sujets à l'abandon parental, institutionnel ou amoureux. Quand les médias, les gangs rivaux ou les parents ne se chargent pas de les stigmatiser, si ce n'est de les blesser voire de les tuer, ces hommes et ces femmes qui trouvent refuge dans les drogues font face au fantôme de l'avenir qui ne s'embarrasse même plus de leur proposer quoique ce soit ni même de leur promettre un semblant de futur. Leurs ciels s'assombrissent. Leurs nuages se chargent de rancœur (fait social) mais leurs musiques ne cessent de les transformer (fait politique). Si l'avenir n'a rien à leur promettre, ces enfants d'Houston semblent pourtant être capables de tout.
De cette tempête émotionnelle dont nous sommes témoins, se vit l'expérience de l'avenir comme un horizon inatteignable où se dresse la colère noire (et transformatrice ?) des nuages. Est-ce un signal de Dieu ? Un épiphénomène dans lequel ils trouvent une raison d'exister ? Le passage vers un ailleurs ? Vers un autre espace-temps ? Ce long-métrage n'est qu'une longue transition, une expérience de la transformation au climat passionnant et aux prévisions impossibles. Bref, un déluge d'émotions non-racoleur.
Créée
le 10 déc. 2021
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