Il était une fois un Ridley Scott, qui avait l’amour du risque et avait encore assez de talent pour réaliser un film dont le genre était, depuis belle lurette, tombé en désuétude. Le défi était gigantesque puisque le succès de Gladiator passait obligatoirement par le respect de l’héritage des anciens mais aussi par la capacité de Scott à faire du neuf avec du vieux, à rendre l’antiquité sexy et à rendre présentables des hommes qui se promènent en robe. Gladiator restera comme le film qui a donné une deuxième jeunesse au peplum puisque suivront Troie, Alexandre, Le Choc Des Titans (on oublie…) et tant d’autres depuis.


Ridley Scott a inscrit son film dans une Antiquité plus ou moins arrangée (plutôt plus, que moins) du règne de l’Empereur romain Marc-Aurèle, réputé grand sage et érudit. Commode son fils et avide héritier, ne supporte que pas que son père envisage de désigner le général Maximus pour lui succéder. Il assassine donc son père et fait assassiner Maximus, mais ce dernier échappe à ses bourreaux, à la mort et se retrouve gladiateur en Afrique du nord. A force de courage et de rage, il se retrouve à combattre au Colisée où la soif de vengeance l’amènera à affronter le félon devenu Empereur : Commode.


Le péplum a repris vie grâce à Ridley Scott parce-qu’il a su ne rien laisser au hasard en apportant à son film une magnifique histoire de bravoure et d’honneur, de vengeance et de trahison, mais aussi d’amour et d’inceste latent. Le scénario laisse autant la place aux scènes intimes qu’aux moments d’action pleins de panache et, même si le bien triomphe à la fin, c’est après qu’un prix très élevé a été payé. La mise en scène est du même tonneau, elle est nerveuse et dynamique, la caméra de Scott sait à merveille capter les mouvements des acteurs, en témoignent la scène d’ouverture où encore la première entrée de Maximus dans l’arène du Colisée. Les moyens techniques sont énormes et leur maîtrise absolue, le meilleur exemple en restera définitivement cette reconstitution du Colisée, mi-réelle mi-virtuelle mais pour toujours titanesque, un des moments les plus bluffants du film et du cinéma.


Le choix des acteurs a aussi été une trouvaille plus que belle, mais Ridley Scott a souvent su bien s’entourer. Russel Crowe n’en était pas à son premier film mais il venait, avec Révélations, de se faire remarquer un peu plus que d’habitude. Avec Gladiator il explose littéralement à l’écran, rendant ringards les beaux gosses gominés aux bras huilés qu’on trouve souvent dans ce genre de production en imposant son côté dur, d’homme plein de droiture et d’honneur inébranlable. Il joue un Maximus qui souffre, qui encaisse et renvoi l’image d’un homme à terre, mordant la poussière, pour mieux se relever et rendre enfin les coups. Ses bras à lui ne sont pas huilés, mais couverts de la crasse du combat.


Mais que serait Gladiator sans un des bad guys les plus mémorables de l’histoire du cinéma, sans un être des plus malfaisants, une des plus belles ordures jamais vues ? Véritable révélation, Joaquin Phoenix est l’acteur parfait en Empereur Commode, incestueux, rempli de vices, de jalousie et avide de pouvoir absolu. Il ment, trahi et assassine sans aucune espèce de remord, ni aucune forme de morale. On ne peut même pas dire qu’il a une morale différente de la nôtre, il n’en a pas du tout, ou plutôt sa morale varie au gré de la défense de ses intérêts. Joaquin Phoenix est parfaitement inquiétant et impose une forme de malveillance, qui semble pouvoir exploser à tout moment, au détour d’une émotion.


Vient parachever le chef-d’œuvre, la musique d’Hans Zimmer, pleine de panache également, elle se moule parfaitement dans le film et son ambiance, tout en apportant une touche supplémentaire aux émotions. Elle fait partie de ces rares bandes originales qu’on écoutera sans problème en voiture tant elles évoquent les images du film. Celle-ci parvient à merveille à faire ressentir le film et atteint son sommet artistique avec la scène de clôture, il ne faudra pas s’étonner d’avoir les yeux humides devant tant d’emphase et de lyrisme.


Il en surpasse beaucoup, d’autres films d’aventure, des films héroïques remplis d’histoires d’amour, de conquêtes, de trahisons. Gladiator est plus riche, plus complexe, mieux joué et tellement bien réalisé qu’on adhère quel que soit l’âge. Les valeurs qu’il véhicule sont universelles et cette histoire reste gravée comme si elle datait d’hier : on s’identifie à ce général romain, victime de sa bravoure et de sa rigueur morale, on rejette d’un bloc Commode et son désir malsain pour sa sœur, le côté abject de sa conception du pouvoir. Un très grand film qui ne fera pas tâche dans la filmographie de Ridley Scott et restera comme une preuve, s’il en fallait, que ce réalisateur, comme d’autres avant lui, est capable de tous les genres et surtout, d’y réussir ses films.

Jambalaya
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le 22 nov. 2013

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Jambalaya

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