Critique : God Bless America (par Cineshow)

Quatrième réalisation de Bobcat Goldthwait qui est passé depuis quelques temps derrière la caméra après une longue carrière d’acteur, ce film au titre en forme de doigt d’honneur lorsqu’il est posé à côté d’un visuel aussi marquant évoque l’abaissement culturel généralisé outre atlantique. Une dégénérescence présentée de manière un peu caricaturale pour le bien du scénario, allant jusqu’à pousser un individu, Franck, dans ses retranchements humanistes afin qu’il prenne les armes pour effacer de la planète toutes les personnes qu’il juge néfaste. Car regarder des conneries à la TV, à la limite. Mais quand sa fille de 8 devient l’horrible caricature de ce que l’on nous propose comme programmes rincés, rien ne va plus. Monde de merde comme dirait l’autre. Ce qui devient au fil des minutes une vocation, presque une mission divine, s’apparentera assez rapidement à une vision extrême de Bonnie & Clyde, puisque notre Franck sera épaulé par une lycéenne ostracisée qui deviendra son bras droit meurtrier. Un pitch jouissif sur le papier en apparence fun et violent, une réponse folle et dangereuse à une population élevée à la TV réalité mais qui mais qui ne trouvera malheureusement pas le support adéquat pour rayonner comme elle aurait dû.

Dans l’idée, God Bless America pourrait se présenter comme une version serial killer de SUPER. Malheureusement, le film de Bobcat Goldthwait se trouve être la victime de son propre pitch et a bien du mal à exister pour ce qu’il est, à savoir une comédie noire, dure et saupoudrée de quelques déviances typiques du 21e siècle pour inscrire le tout dans son époque. Les 15 à 20 premières minutes sont d’ailleurs particulièrement efficaces, mélangeant violence, politiquement incorrect et critique acerbe de la société américaine tant par l’image que par le dialogue. Autant dire qu’après cette longue et savoureuse introduction, on était en droit d’attendre un déroulement à la hauteur du niveau placé et de la surprise générée.

Mais la désillusion prendra vite le dessus, Bobcat Goldthwait peinant à dynamiser chacune des séquences autrement que par la facilité ou par la reprise de ce qui marchait plusieurs minutes auparavant. Le sidekick féminin « légèrement » tourmenté compense comme elle peut le manque de charisme du personnage principal sans toutefois y arriver à 100% et écope au final du meilleur rôle, enchainant à elle seule toutes les blagues et dialogues les plus sombres et cyniques du métrage. Le côté fauché de la production n’arrive pas à être masqué totalement et provoque un fort sentiment d’amateurisme une fois les problèmes listés les uns après les autres. Incrustations des spots TV laborieuses, manque de moyens et de figurants (il faut voir le passage sur le tapis rouge d’une célèbre émission avec pas grand monde passé 3 rangées dans la foule), autant de détails visuels qui trahissent le côté légèrement rustine du projet. Et si l’on pointe du doigt, ce n’est pas plaisir ou par soucis d’être pinailleur, mais c’est surtout parce que le film en lui-même n’arrive pas à capter suffisamment l’attention pour que l’on passe outre ces éléments.

Malgré un sujet chaud bouillant qui aurait dû permettre toutes les excentricités possibles, l’accumulation du no-limit et surtout, et un rejet continue d’entrer les conventions, God Bless America demeure tristement classique une fois passé le démarrage. Accumulant le déjà vu et les non prises de risque (seules quelques scènes un peu choc se démarquent du lot), Bobcat Goldthwait semble tiraillé entre la volonté de faire une vraie proposition un tant soit peu hardcore et celle de s’inscrire malgré tout dans un moule plus mainstream. En résulte un film un peu bâtard ne sachant pas vraiment sur quel pied danser, un vrai regret au regard de la volonté initiale. Malgré un bébé qui se fait exploser au fusil à pompe (parce qu’il crie trop) dans les 5 premières minutes, God Bless America devient de moins en moins virulent pour au final, finir comme un soufflet à plat.

Avec dans le viseur pour nos deux tueurs American Starz (parodie plutôt bien sentie d’American Idol permettant à un gros nul d’accéder à la célébrité juste pour pouvoir l’humilier), le film devient vraiment mauvais lorsque le réalisateur tente d’injecter sa vraie manière de penser de façon un peu trop ostentatoire. Ce qui était jusque-là très drôle puis moyen dans la durée se fini donc bien mal, comme si celui qui tirait les ficelles s’était un peu trop emballé sur le final en oubliant quelques fondamentaux. Le réalisateur du singulier « Juste une fois » ne marquera donc pas l’histoire avec ce nouveau film même si les intentions de départ étaient louables, et que l’on peut extraire individuellement quand même de très bonnes choses. Dans le même genre, un peu plus commercial mais finalement plus efficace, je vous conseille LIVE ! (pour la TV réalité) ou SUPER (pour l’aspect gardiens des rues badass totalement égoïstes).
mcrucq
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le 7 août 2012

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Mathieu  CRUCQ

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