Voici pour le coup un film incroyablement stimulant pour le cinéphile que je suis, usant d’un incroyable mauvais goût à des fins moralisateurs au dernier degré. Le genre de posture impossible à tenir sérieusement, mais à laquelle le film insuffle un sérieux jubilatoire, en osant asséner directement qu’il y a toute une part de la société composée d’individus médiocres qui ne cessent de tirer tout le monde vers le bas. Des cons qui créent des cons et qui tirent les autres avec eux en les rabaissant à leur niveau. Oser planter cela comme base de réflexion, c’est quand même insulter une bonne part de l’humanité entière (quoique le film se focalise plutôt sur la culture américaine, les similarités avec la vie européenne sont nombreuses), et ce n’est que le début. Quand le héros qu’on présente nous fait part des l’introduction de ses envies de meurtre, et qu’il explose un bébé au fusil de chasse direct, on peut dire qu’on rentre tout de suite dans le bain, qui plus est avec une pêche jubilatoire. Car la film l’a bien compris, il faut jouer avec les nerfs du spectateur pour pouvoir l’entraîner dans ses vues. Le premier quart du film pose surtout une société indubitablement médiocre, que ce soit dans les médias, l’éducation, les hobbies et les gens. Que ce soient les programmes de divertissements débiles ou les présentateurs d’info qui vomissent leurs conneries réacs en ignorant de quoi ils parlent tout en insultant leurs détracteurs, la société décrite telle quelle n’offre aucune alternative. Frank y est piégé, et s’y maintient par son travail et sa femme divorcée, qui a obtenue la garde de sa fille pourrie gâtée. Le climat ambiant est donc insupportable (en étant un poil exagéré, mais tout ce à quoi il touche se vérifie au quotidien, comme la culture du buzz, la moquerie comme sport national…), et les différents affronts qui sont fait à Franck, en plus de lui donner raison, servent surtout à rompre les derniers liens qui l’entravaient dans le bourbier main stream (viré pour harcèlement après avoir offert des fleurs à la réceptionniste, et mis au courant de son état médical par un docteur plus préoccupé par sa voiture que par la décence envers ses patients).


Passé cette étape commence une sorte de road trip psychopathique au cours duquel il assassine tous les individus lui semblant médiocres, en commençant par les icônes de la télé qui lui ont gâché toutes ses soirées. C’est probablement en cela que le film est jubilatoire : sous couvert de rétablir une certaine décence et moralité, il agresse tous les symboles de la médiocrité que nous voyons au quotidien, en soutenant droit dans les yeux que ça améliore le monde. On voit direct où ça coince moralement, et pourtant, l’adhérence est totale. D’ailleurs, le personnage de Roxanne, qui rejoint Frank dans sa virée puritaine, symbolise parfaitement cette adhésion à la cause, qui touche à la fois des sujets forts (les présentateurs qui imposent leur point de vue surréaliste sans estimer l’impact de leur discours) que sur des détails communs (le type garé sur 2 places de parking). Le film souffre par moment de baisse de rythme, surtout quand il s’attarde sur la personnalité de nos deux protagonistes (je pense au passage dans le magasin de vêtement et à la halte culture dans le motel). Si il est indéniable que certaines références culturelles font plaisir, une réflexion plus globale sur ce qui définit la culture aurait été bienvenue, plutôt que de léser tout ce qui reste dans l’ombre. Néanmoins, avec un final aussi percutant que la prise en otage d’un plateau télé et de l’exécution sommaire de bon nombre d’individus y étant présents, God Bless America a tout le potentiel nécessaire pour marquer méchamment son public, et surtout attirer son attention sur quelques réflexions sociétales et les aberrations qui en découlent (Steven, le véritable déchet humain du film). Osé car sans recul sur son message et ses insultes, mais sincère et plutôt bien écrit, God Bless America est un essai engagé et salutaire pour le cinéma d’auteur. Mais bon, entre ça ou un Les profs, on voit vite quelles tendances apparaîssent.
Voracinéphile
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le 15 sept. 2013

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