Dans le film de Paul Greengrass, le sous-officier Miller, pétri de doutes, s'échine, contre sa hiérarchie, à trouver les armes de destructions massives en Irak.Avec « Green Zone », l'industrie cinématographique américaine nous montre une nouvelle fois sa capacité de réaction et son besoin de revenir sur les points litigieux de son histoire récente. Ce n'est pas une surprise de retrouver le Britannique Paul Greengrass, un ancien journaliste, derrière la caméra, tant le sujet de « Green Zone » apparaît comme l'évolution logique de sa filmographie : après « Bloody Sunday » et « United 93 » qui étaient tétanisant par leur approche réaliste, à la limite du documentaire, et qui réussissaient à nous plonger au cœur de deux drames de l'histoire contemporaine, dans l'Irlande du Nord de 1972 et dans l'Amérique du 11 septembre 2001.

Le scénario de « Green Zone » correspond aux thématiques qui font le fil conducteur du cinéma de Greengrass, à savoir le combat d'un individu isolé qui « veut savoir » quand des gouvernements pourtant légitimes font tout « pour cacher la vérité ». Caméra à l'épaule, le réalisateur nous plonge au cœur de l'action. La photographie est froide et terne, loin des canons des blockbusters américains. Même lorsqu'il s'attaque à la saga des Jason Bourne (« La mort dans la peau » et « La vengeance dans la peau »), il reste fidèle à ses thèmes récurrents et en profite pour enrichir sa technique.

Dans « Green Zone », la caméra est focalisée sur le personnage de Roy Miller (Matt Damon), en quête perpétuelle de la vérité, donc, et des fameuses armes de destruction massives qui décidément ne sont pas là où les gouvernements belliqueux opposés à l'Irak ont dit qu'elles se trouvaient. En progressant dans l'intrigue, on découvre un jeu de piste qui nous mène à l'informateur secret qui aurait fourni des preuves de l'existence de ces armes.

Roy Miller est accompagné de Freddy (Khalid Abdalla), un Irakien qui lui sert de traducteur mais qui est également dans le film pour donner ou interpréter le point de vue des Irakiens sur la présence et les actions de l'armée américaine. En toile de fond, on découvre également la « zone verte », qui donne son nom au film, cette enclave hautement sécurisée de Bagdad et qui représente l'« impérialisme américain » dans sa splendeur avec son American Way of Life, et ses soldats suivant les matchs de la NBA en pleine période de guerre.

Ce choc des cultures, pour le moins, entre les soldats américains et la population locale est à l'image du conflit qui a été décidé unilatéralement et qui provoque de l'animosité envers ces troupes suréquipées et surarmées qui viennent occuper le palais républicain construit par le dernier roi d'Irak.

La caméra est constamment en mouvement, elle est collée aux personnages, le montage frénétique des plans nous place dans l'urgence de l'action, et ce style si particulier de Greengrass atteint son paroxysme dans une longue séquence anthologique de poursuite de nuit dans les rues de Bagdad entre Roy Miller sur les traces de l'informateur qui détient la clé sur les armes de destructions massives, et de l'armée américaine qui cherche à éliminer ce dernier pour que cette vérité reste secrète.

La gestion de l'espace et du cadrage est une des marques de fabrique du Britannique. Le battement haletant du stress est mis en parallèle avec un enchaînement de plans à un rythme effréné, et lorsque la poursuite se termine, on en ressort totalement épuisé, éreinté, sur les rotules et à bout de souffle avec l'impression d'avoir subi la montée d'adrénaline du sous-officier Miller.

Au final, on retient surtout l'impuissance du soldat américain, guidé par son patriotisme idéaliste, qui cherche une réponse à une question dont l'issue a été décidée par des instances supérieures depuis bien longtemps avec la complicité des médias affidés aux va-t-en-guerre – et à cette époque, les médias américains et britanniques opposés à la guerre contre l'Irak étaient très peu. Lorsque Roy Miller est à deux doigts d'atteindre son but, la triste réalité s'abat sur lui tel un couperet : « Ce n'est pas à vous de décider ce qui se passe ici ! », lui lance un Freddy le traducteur, désespéré, blessé au plus profond de lui par la situation de son pays ravagé par les guerres et occupé par une armée qui n'avait pas de légitimité pour intervenir.

Faute de preuve – on connaît l'histoire –, Roy Miller tentera néanmoins de faire éclater la vérité en dénonçant les agissements des services de renseignements auprès de la presse, mais son action semble vaine, car la guerre est déjà là, et elle ne fait que commencer.

On peut regretter la crédulité de Roy Miller, qui ne semble pas conscient des enjeux réels de ce conflit. Cette conscience ignorante est à l'image de la sincérité – ou de la candeur ou de la naïveté – de Paul Greengrass qui, comme tant d'autres de ses compatriotes, a « avoué » qu'il avait cru les déclarations de Tony Blair sur l'existence des armes de destruction massive, et qu'il s'était senti trahi par son pays. Dans le cinéma américain (la nationalité britannique du réalisateur importe peu ici), la recherche de la rédemption, comme la guerre, marche à plein régime.
NonoDarko
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le 12 févr. 2011

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