Guinea Pig
3.4
Guinea Pig

Moyen-métrage de Satoru Ogura (1985)

Dans les années 80, partout dans le monde (sauf chez les Papous et les Amish, et encore), c'est l'explosion du marché vidéo. Un âge d'or où les éditeurs n'avaient bien sur pas encore à se préoccuper d'Internet, et n'avaient pas d'autre souci que de livrer des guerres féroces contre leurs concurrents. Une époque faste, donc, où faire trôner sa collection de VHS était finalement chose banale. L'entertainment, le capitalisme... La vie, quoi.

Bref, c'est à cette période qu'un producteur en provenance des tribus les plus folles du Japon se lance dans l'aventure en désirant, comme Peter Jackson en son temps avec Braindead et le rire en moins, signer rien de moins que la plus malsaine des bandes horrifiques... Persuadé d'avoir trouvé le bon filon avant même d'avoir commencé à l'exploiter, il décide que son film sera le premier d'une franchise intitulée « Za Ginipiggu ».

Satoru Ogura, c'est son nom, contacte donc Hideshi Hino, fameux auteur de mangas morbides, pour lui proposer de rédiger lui aussi un film dans la même veine que le sien. Son but est alors de faire paraître les deux métrages coup sur coup, ce qui permettait bien sur d'éviter que les films ne se noient dans l'océan de production vidéo japonaise. Et puisque The Devil's Experiment et Flower Of Flesh And Blood sont au fond assez similaires, on assiste donc à un « Duel Project » avant l'heure, évoquant aujourd'hui le défi que se sont lancés Ryuhei Kitamura (Midnight Meat Train) et Yukihiko Tsutsumi (20th Century Boys) en 2003, avec leurs Aragami et 2LDK.

Pourtant, force est de constater qu'un film de la veine de The Devil's Experiment aurait bien du mal à se frayer un chemin de nos jours dans la production horrifique internationale. C'était même le cas à l'époque, puisque les films estampillés Guinea Pig sont longtemps restés inaperçus en dehors du Japon. Mais on exporte pas un film qui affirme être un snuff movie aussi facilement...

Eh oui, non seulement The Devil's Experiment est tourné à la manière d'un snuff (camera amateur, ultra-réalisme, absence de générique...), mais il a en plus été entouré d'une campagne publicitaire qui affirmait que ce que l'on voyait à l'écran était tout ce qu'il y a de plus réel!

Ainsi, en guise d'ouverture et en lieu et place du nom de Satoru Ogura, un message défile à notre attention, censé authentifier les images qui vont suivre (soit basiquement: « J'ai reçu une vidéo dégueulasse, je vous la montre »). Une mise en scène racoleuse et parfaitement dispensable, qui a au moins le mérite de mettre les choses au clair: le film se veut une immersion totale dans le domaine du mauvais goût, et ceux qui n'ont pas le coeur bien accroché feraient bien de quitter leur poste de télévision sur le champ...

Inutile alors de s'encombrer avec les questions d'usage sur un éventuel sens caché de l'oeuvre, puisqu'Ogura n'a pas d'autre ambition que celle de nous faire gerber. Guinea Pig signifiant « Cobaye » en anglais, il s'agirait là d'une expérience scientifique (le film est tout d'abord tourné comme tel, avant de partir quelque peu en sucette). Mais ici, pas de cochon d'inde tout mignon à étudier, juste une femme toute moche qui va subir les pires sévices (ouais, enfin, comme elle est laide, elle n'aura pas droit au sévices sexuels. Comme quoi, même les psychopathes ont du goût).

En début de film, quelques notes angoissantes retentissent, puis plongent le spectateur dans le silence le plus total, qui ne laisse place qu'au bruit des coups portés sur la jeune femme. Le métrage est séparé en séquences, chacune introduite par un titre annonçant la torture à venir. « Les baffes », « les coups de pieds », « les doigts dans le cul » (à moins que le dernier, ce soit dans un autre film)... Les scènes ont beau suivre une certaine gradation dans l'horreur, certaines s'avèrent moins convaincantes que d'autres, voire carrément pathétiques. Et c'est bien dommage, car si l'on peut s'avérer indulgent devant certaines séries Z d'un autre genre, il devient impossible pour Ogura de faire encore croire à un snuff dès l'instant où le spectateur se rend compte de la supercherie évidente.

Il est d'autant plus difficile de continuer à nous laisser bercer par l'illusion macabre du film quand on a affaire à une actrice aussi peu convaincante. On a d'ailleurs du mal à croire, comme il l'est raconté dans un article du site officiel américain de la série Guinea Pig, que « des centaines de femmes se soient présentées au casting pour le plaisir d'être soumises à de la torture extrême ». Et ce n'est pas les trois tortionnaires aux lunettes de soleil et aux « rrrhhaaa » excessifs qui relèveront le niveau... Finalement, c'est peut-être pas plus mal qu'il n'y ait pas de générique.
Pour compenser ses faiblesses ainsi que celles de ses acteurs, dont il semble tout de même conscient, Ogura n'hésite pas à rallonger la durée de certaines scènes de torture. Mais celles-ci, passé le malaise qu'elles procurent et l'efficacité indéniable de certains effets spéciaux, ne parviennent qu'à transportent le spectateur vers les plus hautes cimes de l'ennui. Chaque minute passée pointe du doigt le manque de talent du Japonais pour la mise en scène, qui préférera pour ses prochains films se cantonner au rôle de producteur.

Néanmoins, malgré ses innombrables défauts, il faut aussi reconnaître à The Devil's Experiment une certaine capacité à captiver entièrement le fan, au moins lors de sa première vision. Même après l'avoir vu plusieurs fois cependant, on craint de le revoir, on fait attention à ce que l'on mange au préalable, et l'on se dit que c'est vraiment parce qu'il faut mettre des critiques sur son site que l'on se fait souffrance encore une fois...

Vous êtes donc prévenus: The Devil's Experiment est une bande hardcore, à découvrir en tant que curiosité « Mais je ne suis pas un animal! Je suis un film! » de la nature.

Le regarder à plusieurs relève encore plus de l'épreuve de force. On en vient vite à se demander pourquoi on s'inflige tout ça, alors que comme alternative il y avait Mario Kart sur Wii. Et pour peu qu'en plus vous ayez prévu une soirée pizza...

(Nov. 2008)

Retrouvez cette critique, ainsi que plein de vidéos geek, gore n'fun sur http://www.geexublog.fr
XimAxinn
4
Écrit par

Créée

le 3 nov. 2011

Critique lue 6.1K fois

20 j'aime

XimAxinn

Écrit par

Critique lue 6.1K fois

20

D'autres avis sur Guinea Pig

Guinea Pig
titiro
4

À quoi bon?

Une oeuvre devenue presque légendaire. La première chose que l'on se dit est la question suivante: pourquoi? Pourquoi réaliser un film d'environ 43 minutes, divisé en 9 chapitres, montrant divers...

le 28 juil. 2020

4 j'aime

2

Guinea Pig
Zogarok
1

Critique de Guinea Pig par Zogarok

Il ne s’agit pas de nier ce qui se produit à l’écran en se réfugiant derrière le caractère piteux d’une telle mise en scène. Mais on s’ennuie plus qu’on est sidéré, tant jamais ne se dégage un...

le 9 sept. 2013

4 j'aime

Guinea Pig
La_Bete_du_Blizzard
1

Quel intérêt ?

Film culte au sein de la confrérie des amateurs de cinéma déviant, Guinea Pig a grandement participé à rendre le cinéma underground japonais des années 1980 reconnu, du moins reconnaissable. Si on...

le 28 déc. 2020

2 j'aime

3

Du même critique

Guinea Pig
XimAxinn
4

C'était pour de faux

Dans les années 80, partout dans le monde (sauf chez les Papous et les Amish, et encore), c'est l'explosion du marché vidéo. Un âge d'or où les éditeurs n'avaient bien sur pas encore à se préoccuper...

le 3 nov. 2011

20 j'aime

Star Wars : The Clone Wars
XimAxinn
1

Le Grand Procès

Nuremberg, 15 Aout 2008 Quelques heures seulement après la première projection de "The Clone Wars, Le Film" Juge Axinn: Affaire 1138, Les Créateurs de « The Clone Wars, Le Film » contre l'état de...

le 28 nov. 2011

15 j'aime

2

Saw II
XimAxinn
6

On est de fous, Plus on scie

Après le succès commercial de Saw, devenu l'un des films d'horreur les plus rentables de l'histoire du cinéma (1,2 million de dollars de budget pour 55 millions de recettes), il était évident de voir...

le 3 nov. 2011

11 j'aime