Freaks or Freaks ?

Difficile d'user du clavier pour s'exprimer sur une séance comme Gummo. Véritable ofni, oeuvrant en permanence aux limites de la provocation trash gratuite et d'une réflexion troublante sur l'état de désespoir d'une communauté au fond du gouffre, Gummo est difficile à cerner. En fait, si l'on est certain d'une seule chose en fin de générique, c'est qu'on en a pris plein la tronche, qu'on a été tour à tour ému, révolté, agacé par un mêli-mêlo artistique tantôt rustre, brutal, mais aussi malheureusement bien trop arty et exagéré pour convaincre totalement.

C'est bien là, à mon sens, que Gummo semble fébrile. On y sent pourtant une réelle envie de proposition de son auteur, mais ce dernier semble avoir bien trop pensé son film avant le tournage. Comme si tout le gimmick freaks trash de l'amérique profonde se devait d'y figurer, histoire de bien surligner le message que Korine nous fait vivre sans ménagement, à savoir celui d'une vie en apesanteur, dépourvue d'avenir et d'espoir, quotidien accepté par les habitants de la bourgade qu'il investit de sa caméra.

L'intention du bonhomme est louable, mais la manière est, elle, un peu plus discutable. C'est d'autant plus agaçant que Korine manie l'image de si belle manière qu'il n'a pas besoin de forcer autant le trait pour convaincre. Pour preuve, les séquences qui fonctionnent, celles qui marquent, comme cette plongée dans la chambre d'une adolescente trisomique que son père prostitue (ue, c'est pas très finot sur le papier) qui, malgré l'horreur de la situation, parvient à se frayer un chemin vers l'émotion de fort belle manière, sont celles où Korine prend le temps de poser son regard, avec un peu plus d'empathie, sur des personnages qui ont des choses à dire. Ils faut juste les laisser être eux-mêmes, au lieu de vouloir à tout prix les marginaliser en leur faisant faire n'importe quoi.