J'aimerais que tous les films prennent exemple sur celui-ci, au même titre qu'il a pris exemple sur eux (mais pas que).
Pour preuve, on y retrouve des pointures populaires comme Eva Mendes, Kylie Minogue, ou des thèmes musicaux comme celui de Godzilla; Holy Motors s'inspire de tout ce qui fait le cinéma, mais en a pourtant l'air bien différent. Est-ce là le véritable échec du cinéma moderne? Pourquoi n'y a-t-il plus de ces films où le réalisme passe après les idées? La popularité des salles de cinéma a-t-elle tué le surréalisme? Ou s'est-il fait aussi petit que les caméras modernes?
S'il pose -- entre bien d'autres -- toutes ces questions, Holy Motors ne s'érige pas pour autant en donneur de leçon, grâce à un ton bien moins grave que chez Haneke, même si Mr. Oscar nous distille quelques bonnes paroles tout au long du film. On joue (force?) moins sur les émotions, qui pourtant sont toutes autant présentes.
Leos Carax semble nous confier sa nostalgie, son incompréhension aussi, d'un monde qui semble lui échapper, au même titre qu'il échappe à Mr. Oscar (un des véritables prénoms de l'homme se cachant derrière "Leos Carax", étant lui-même un anagramme de "Alex" et "Oscar"). On y raconte des histoires au même titre que des idées.
Mais si ce film se plaint du progrès des machines, il n'en oublie pas pour autant d'en emprunter des tons, des thèmes et des esthétiques. En témoigne (par exemple) une scène bluffante de motion capture, qui synthétise toute la magnificence des ordinateurs et de ce fameux progrès technologique, de moins en moins visible, pourtant paradoxalement de plus en plus envahissant. Cet acteur vieillissant et fatigué qu'est Mr. Oscar se plaint de ces caméras toujours plus petites, de ce numérique toujours plus présent, alors qu'il roule lui-même dans cette limousine high-tech, blanche.
Holy Motors a peur de l'avenir mais l'a compris mieux que quiconque. À ce stade, c'est une leçon pour tous les metteurs en scène.
Ce film exploite une idée pourtant assez simple, accessible, mais réussi à lui donner une dimension sensationnelle. C'est partir de peu de choses, le quotidien d'un acteur peut-être, pour épouser le cinéma tout entier et bien au-delà. Ça s'appelle simplement, je crois, aller au bout de ses idées.
Denis Lavant -- ce n'est pas vraiment une surprise -- y est un monstre. Peu importe où il passe, que ce soit au cinéma ou au théâtre, le monstre déploie une énergie sans commune mesure avec celle de ses confrères. Ce corps, ces mains, ce faciès éclatants et éclatés. Quand on le regarde, on a l'impression de voir quelqu'un qui a vécu plusieurs vies, qui vient d'ailleurs. Peut-être qu'il ne joue pas toujours de façon impeccable, mais cela fait partie du spectacle. Il y passe par toutes les émotions, toutes ces vies que je lui fantasme.
À vrai dire, je ne crois pas que Leos Carax soit un dieu. Je crois qu'il a fait un film d'exception car il en avait simplement la volonté. Nombres de réalisateurs pourraient reproduire cet "exploit"; mais il ne le font pas.
Holy Motors est un savant mélange, un peu brute, de tous les genres, les esthétiques, de toutes les époques; c'est un mélange du cinéma.
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