Holy Motors fait partie de ces films qui distillent toute en longueur plusieurs émotions. Ainsi la première scène du film a éveillé en moi une certaine curiosité, cette curiosité faisant progressivement place à l'incompréhension, elle-même remplacée très rapidement par une perplexité que me faisait grandement redouter la suite du film, qui comme j'avais commencer à le penser et à le craindre, allait continuer son bonhomme de chemin dans ce qu'un cinéphile non averti aurait pu appeler une farce cinématographique (en disant ça je pense en particulier au passage avec Mr. Merde mais qui ,malgré son excentricité plus que limite, a quand même réussi à m'arracher un rire ou deux). Il n'en fut heureusement rien car ce sentiment perplexe qui m'avait dans un premier temps envahi fut rapidement dissipé, la fascination ayant pris le dessus. En effet, à partir du moment où l'on commence réellement à comprendre le mécanisme du scénario qui divise le film en une multitude d'histoires dotées d'une personnalité propre à chacune, le film devient brusquement prenant, on se surprend à se demander à chaque fin d'histoire et à chaque nouveau départ (qui a lieu inévitablement dans une limousine conduite par une Edith Scob d'une élégance éclatante et sillonnant un Paris d'une beauté éblouissante à la limite du mysticisme) ce que le réalisateur nous a réservé pour la suite, celle-ci rompant parfois brusquement avec le ton émotionnel de la précédente. Cette particularité, qui est selon moi l'une des grandes forces du film, est due en grande partie à la prestation remarquable de Dennis Lavant, véritable caméléon cinématographique qui mue, change, se transforme d'histoires en histoires, expérimentant à travers son « métier » (qui renvoie bien entendu à celui de comédien) les différentes expériences qui jalonnent une vie en adoptant les différents points de vue constituant l'essence d'une société fracturée (là où c'est réellement flagrant c'est quand il passe d'une scène à l'autre d'un respectable homme d'affaire à une mendiante étrangère). Ce fond remarquablement riche est mis en valeur par une mise en scène extraordinairement belle (presque psychédélique à certains moments) qui place le film au rang de cinéma expérimental (le dernier plan du film est probablement l'un des plus curieux et des plus étonnants du film). Je termine cet avis en mentionnant que j'ai adoré le passage musical vers la fin du film qui constitue selon moi l'un des meilleurs moments du film, d'une grande puissance émotionnelle.