Hugo Cabret est le film de toutes les rencontres. Celle de Martin Scorsese avec le cinéma des origines. Celle du muet et du noir et blanc avec la 3D numérique. Celle de Hugo avec Isabelle. Celle de Papy Georges et de Mamy Jeanne. Celle de l'inspecteur de la gare avec la fleuriste Lisette. Et par-dessus-tout, celui qui est au cœur du nœud est Georges Méliès. De Hugo à l'inspecteur en passant par Jeanne, Isabelle, Lisette, le libraire Monsieur Labisse ou encore l'écrivain René Tabard, le cinéaste est le véritable héros du film.

On savait que Martin Scorsese était un amoureux du cinéma. Déjà en 1992, il avait créé « Martin Scorsese Presents », une fondation qui avait pour but de restaurer et d'exploiter les grands classiques du cinéma américain. En 2007, il récidiva en créant la « World Cinema Fondation » qui devait protéger le cinéma mondial. D'ailleurs, en 2008, l'accent fut mis sur la préservation du cinéma africain. C'est en toute logique alors que le cinéaste s'intéressa au roman « L'invention de Hugo Cabret » de Brian Selznick. Au-delà de l'histoire, ce récit allait lui permettre de rendre hommage à Georges Méliès, cinéaste français qui fut le premier à comprendre que le cinéma pouvait être le prolongement des rêves. Magicien de formation, débordant d'imagination, rompant avec le cinéma réaliste des frères Lumière, il fut le premier à insérer les effets spéciaux au cinéma. « Le voyage dans la Lune » de 1902 reste son œuvre la plus connue. C'est d'ailleurs celle-ci qui est au cœur de l'intrigue du film.

Le film, parlons-en. Tout d'abord, la distribution est démentielle. Les seconds rôles comme Michael Pitt, l'immense Christopher Lee, Michael Stuhlbarg (le génial Larry dans « A Serious Man » des frères Coen) ou encore Jude Law viennent compléter un casting pourtant déjà prestigieux (Ben Kingsley, Sacha Baron Cohen, Helen McCrory...). L'action se déroule quasiment intégralement dans une gare fictive de Paris où le jeune orphelin Hugo Cabret, qui s'occupe de remonter les horloges, cherche parallèlement à réparer un automate laissé par son père, mort trop tôt. Petit à petit, avec l'aide d'Isabelle, la petite-fille de Georges Méliès, Hugo Cabret va remonter la piste pour découvrir grâce à l'automate que son père était un admirateur de Georges Méliès, cinéaste tombé dans l'oubli, ruiné à la fin de sa vie au tournant des années 1930. Le scénario ne cherchera qu'à faire rencontrer ces deux personnages pour qu'ils retrouvent le bonheur : le plus jeune retrouvera un foyer, le plus vieux retrouvera le plaisir de voir les spectateurs s'émerveiller devant ses films.

Si certains en doutaient encore, Martin Scorsese prouve une nouvelle fois qu'il est un immense cinéaste. Visuellement, le film est d'une beauté à couper le souffle. Très coloré, certes orienté pour les enfants, le film ne tombe pourtant pas dans le piège de la niaiserie. Les plus jeunes s'amuseront de ce rêve enchanté pendant deux heures pendant que les plus vieux apprécieront l'hommage au cinéma et à Méliès, sans doute plus difficile à comprendre pour nos chers chérubins. De la même façon, la 3D est assez spectaculaire. Bien que je n'en sois pas un adepte, loin de là même, il faut bien avouer qu'ici la profondeur de champ est surréaliste. Le film ne perd pas en netteté et en vivacité des couleurs tandis qu'on n'est pas assommé par des effets visuels désagréables. Si quelques objets peuvent venir nous chatouiller les yeux, notamment dans la scène d'introduction (un plan-séquence ahurissant de maîtrise dans les méandres des tunnels de la gare qui annonce le tourbillon visuel du film), c'est toujours fait de façon délicate. On ne le répétera jamais assez mais la 3D n'est jamais plus belle que quand elle est issue directement du tournage. Une conversion postproduction n'apportera jamais rien de bon.

Les effets spéciaux sont donc légions dans ce film (en témoigne l'accident du train qui rappelle l'accident de 1895 dans la gare Montparnasse), ce qui est assez paradoxal quand on rend hommage au cinéma des origines, muet et en noir et blanc. C'est donc audacieux et pourtant l'alchimie fonctionne. La splendeur visuelle fait passer définitivement ce film dans le rêve, ce que n'aurait pas renié Georges Méliès. Ce n'est pas le seul à qui Scorsese rend hommage. Les références sont multipliées dans la scène qui narre ce qu'était le cinéma au début du siècle : les frères Lumière (L'arrivée d'un train en gare de La Ciotat), Buster Keaton (Le mecano de la general), Jean Renoir (La bête humaine) ou encore René Clair (Sous les toits de Paris) sont ainsi célébrés.

Magique, envoutant, enchanteur, Martin Scorsese signe un des plus beaux films de Noël, un des plus beaux hommages au cinéma et une des plus belles prouesses visuelles cinématographiques. Le cinéaste américain vient de signer un classique. Rien que ça.
potaille
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le 1 mars 2012

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