Hunger Games est, à mes yeux, un film symbolique. Déjà, c'est un concurrent sérieux à la franchise Harry Potter (que j'apprécie énormément): une série-fleuve de bouquins pour les ados (écrits par Suzanne Collins qui, comme Rowling ou Meyer, tente de s'impliquer un maximum dans son adaptation), une grosse production qui tâche, une réalisation qui essaie de se démarquer, et un goût de Summit (responsables de Twilight, qui prétendait entrer en concurrence avec le sorcier bigleux) dans l'air. Hunger Games est ambitieux. Summit, donc, ne produit pas ce film. Avec 50 millions de dollars de dettes (si mes souvenirs sont exacts), il aurait été difficile pour cette boîte de faire un film de cet acabit, désormais... Mais il y a quand même eu des gens assez fous pour racheter l'entreprise qui représente peut-être un atout en plus contre la faillite imminente... Lionsgate a donc hérité des dettes mais s'est agrandi, et peut donc s'offrir une dernière chance avant de mettre la clé sous la porte avec un gros film, qui bénéficie d'une campagne de com qui en impose et d'une bande-annonce très alléchante, ainsi que d'un concept qui, déjà à l'époque du livre, était porteur mais controversé, notamment pour son manque d'originalité: le combat à mort, avec des participants arbitraires, pour se divertir. Comme au Moyen-Âge, quoi...

On pense de suite à Battle Royale de Kôshun Takami, popularisé en France par le film de Kinsi Fukasaku, dans lequel une classe de lycéens dans un Japon qui a peur de sa jeunesse est jeté dans la forêt avec pour instruction de s'entretuer, jusqu'à ce qu'il n'y ait qu'un seul survivant, qui est présenté à la télévision et ne manque plus de rien jusqu'à la fin de ses jours. L'idée est intéressante, on voit ces élèves, qui se connaissent tous, oublier leurs sentiments pour ne devenir que des animaux assoiffés de tripes et boostés à l'instinct de survie, ou bien renforcer leur liens pour s'unir contre la terrible loi du monde des adultes. On retrouve ce concept de jeu meurtrier dans plusieurs autres oeuvre, notamment chez Stephen King ou, dans une moindre mesure, Sidney Pollack.
Du coup, voir comme idée de base d'un roman un succès un groupe de jeunes forcés de s'entretuer sous l'oeil des caméras, ben... ça fait un peu cliché, quoi... Pourtant un peu de recherche sur l'univers m'a appris que le roman se détachait pas mal de ces pesantes influences avec un background qui lui est propre: une Amérique futuriste, Panem, divisé en treize (chiffre symbolique?) "Districts" gouvernés d'un main de fer par le "Capitole" tout puissant qui, pour punir les Districts d'une ancienne rébellion et leur rappeler qui est le patron dans la cabane, organise chaque année un jeu télévisé dont les participants sont un garçon et une fille, entre 12 et 18 ans, choisis au hasard dans chaque District.
La suite, on la connaît... Ou pas. Je m'attendais en regardant le film à ce qu'on commence tout de suite pas le bain de sang, comme c'est le cas dans Battle Royale mais il en est tout autrement: en effet une fois les "Tributs" versés aux Capitole, ceux-ci doivent pendant une courte période suivre un entraînement intensif et être présentés au public, afin de montrer leurs atouts respectifs, impressionner la galerie, faire comme si c'était génial d'aller crever dans la forêt, pour attirer l'attention des sponsors, qui pourront ainsi leur donner un coup de pouce pendant le jeu. Et c'est seulement après cette longue phase d'esbroufe que commence le jeu proprement dit...

J'étais donc assez curieux, après avoir compris que le film ne serait pas une vulgaire resucée de Battle Royale et qu'il serait le "Final Fantasy de Lionsgate", de voir ce que donnerait le film une fois sur grand écran. N'ayant pas lu le livre, je n'avais pas vraiment de recul sur l'œuvre... Et ça part pas mal.
On commence donc le film par une mystérieuse séquence durant laquelle un présentateur à la coupe douteuse interviewe un jeune godelureau à la barbe tout aussi douteuse quant à ses impressions sur les hunger games de cette années, suivie par un énigmatique texte nous présentant globalement le concept: les Districts ont voulu la jouer perso, le Capitole les a vite remis en place et, geste symbolique, instauré les hunger games. Et puis on se retrouve dans ce qu'on croirait être un décor moyenâgeux (ou bien les années 20 en Valachie, je saurais pas dire) qui est en fait le District 12, une misérable région minière dont est originaire l'héroïne du film, Katniss Everdeen.
Le personnage en lui-même, fait assez constant dans le film, est plutôt bien écrit. Sans avoir le charisme d'une Daenerys Targaryen, Katniss est courageuse, déterminée, intelligente, solide comme un roc, et elle tombe pas amoureuse, pour une fois, d'un magicien roux ou d'un vampire, ça fait plaisir. Une fille solide, qui se pense hors de portée, à l'approche de ses 18 ans, d'une nomination, et qui souhaite juste le même sort pour sa petite sœur, et pourquoi pas aller vivre librement dans les bois avec son copain (tout en sachant que c'est impossible, bien sûr). On s'attache donc rapidement au personnage, qui est assez féminin pour trancher avec les héros de base et assez masculin pour que les mecs s'y retrouvent, et fait quelquefois penser, de part son mutisme et ses décisions, ses relations avec les autres personnages, à un certain sorcier bien connu (toute la partie "in-game" me rappelle fortement HP7 partie 1 de toute façon).

La jeune pauvrette se porte donc carrément volontaire comme Tribut pour sauver sa sœur d'une nomination inattendue (bin oui sinon y aurait pas de film) et, avec Peeta, une espèce de fayot avec une tête plus large en bas qu'en haut et un nom à coucher dehors (pour ceux que ça intéresse, Josh Hutcherson a aussi joué dans Le Secret de Terabithia, une espèce de bouse infâme dans laquelle on s'en fout complètement de Terabithia mais pas de nous achever le moral avec des noyades d'enfants... Dommage pour les trolls, le personnage est, là aussi, bien écrit et bien interprété... Chiotte), elle va découvrir pour la première fois de sa vie ce que sont l'opulence et la richesse en allant au Capitole, où elle rencontre les autres candidats et Haymitch (Hé, Mitch! hahahaha... Bref), une espèce de maître jedi alcoolique (un peu trop pour être crédible d'ailleurs, dommage) qui a déjà gagné le jeu et qui est censé leur apprendre à devenir les candidats parfaits mais va en fait longtemps se foutre de leur gueule et leur faire la leçon en brandissant un Jack Daniel's, histoire de bien montrer l'exemple. Ce mec est assez chiant au premier abord: plutôt que de nous donner les infos qu'on attend sur ce qui attend les héros et leur montrer comment survivre (parce que c'est un peu son job, quand même... Et aussi parce qu'après il fait genre c'est super important pour lui, lèche-cul va), il va passer son temps à changer de sujet et à faire son arrogant histoire de bien montrer que houlala regardez comment c'est horrible quand t'as gagné les hunger games t'es traumatisé à vie. Donc la pilule passe mal quand d'un seul coup le gars passe du connard décontracté au super paternel gentil et encore décontracté... Première ombre au tableau.
Ensuite, ce qu'on pense durer un petit quart d'heure au max et fait en fait la moitié du film: la préparation au jeu. Ben ouais, dans Battle Royale on a juste Takeshi Kitano qui explique aux gosses ce qu'ils doivent, ensuite on leur donne un sac et on les jette dans la gueule du loup... Là c'est différent. Premièrement: il y a une véritable découverte du Capitole, cette métropole futuriste et fastueuse (que j'ai trouvé un peu trop classique à mon goût) figée dans le superficiel. Là c'est la foire aux coupes de cheveux improbables et aux fringues ridicules, selons les loins d'une mode qui dépasse de loin les héros un peu paumés. Deuxièmement: ces héros comprennent vite, alors qu'ils voient les autres Tributs pour la première fois et qu'ils sont bichonnés pour aller sous le feu des projecteurs et découvrir le public, que les hunger games ne sont pas qu'une lutte dans la forêt pour trouver à grailler et flinguer son prochain, c'est aussi un véritable art du spectacle, et la meilleure façon de survivre c'est, comme dans Secret Story, de se faire aimer du public: débarquer sur scène avec un costume scintillant pour se faire interviewer par un présentateur excentrique, répondre à des questions pathos par des réponses pathos (du style "je gagnerais pour ma famille" ou d'une manière un peu foie jaune mais pas franchement surprenante de la part de Peeta) et passer des tests et des entraînements pour attirer les sponsors qui se jettent sur les plus doués. Donc forcément la dream team des connards des Districts 1 et 2 qui s'entraînent depuis l'enfance pour gagner se retrouvent vite chouchoutée alors que les poivrots qui sortent de la Creuse doivent la jouer plus fine pour attirer les regards... Donc, comme on s'en doutait, Katniss qui chasse pour manger impressionne par ses talents avec un arc (d'une manière assez spectaculaire et bien représentative du personnage, d'ailleurs) mais pas par sa tchatche, écrite par Haymitch pour éviter le massacre, alors que Peeta, même si son seul talent (un peu moisi, faut bien le dire) c'est de soulever des charges un peu lourdes, s'avère très malin quand il s'agit de s'attirer l'opinion des gens: il répond aux questions de manière étudiée et intelligente et permet même à Katniss de gagner quelques sponsors de plus, un avantage non négligeable lorsque le jeu commencera. Bref, un énorme travail sur l'image avant que la partie commence, pour répartir les pions entre les joueurs.
Cette première moitié de film permet de bien poser les personnages, qui ne sont jamais gnangnan ou insupportables (sauf certains volontairement chiants au premier abord, comme Peeta, qui se révèlent plus intéressants par la suite). Ainsi même s'il est impossible de tous les présenter en détail (déjà, rien que les 24 candidats...), on a une idée précise de leur importance dans le scénario. Il y a aussi cette tension grandissante des jeux qui commencent bientôt, et Katniss paumée qui réalise à quel point ce nouvel univers est cruel et hypocrite. On a aussi des éléments de background en plus: le chef d'état posé mais terrifiant, le producteur qui prend des risques, la bonne femme aux cheveux verts assez chiante, et le présentateur au sourire ultra bright... On commence à assimiler la réalisation lente et étudié du film: une caméra souvent "à l'épaule", des mises au point en direct, des gros plans sur des détails, des cadrages ambitieux... Là encore je pense à HP7 tant la réalisation par moments me fait penser à David Yates (le film est pourtant signé Gary Ross, inconnu au bataillon).

Et vient enfin le jour J. Prenant place dans un tube en verre, Katniss fait l'ascension jusqu'à une clairière avec les autres candidats, prêts à se jeter sur les sacs disposés au sol et à s'entretuer à l'heure du départ. Et après un décompte en mode "tension incroyable" commencent, par une course effrénée et une mêlée générale (avec un quart des candidats qui meurent dans les dix premières minutes), les hunger games...
Dans une sorte de dôme qui sert d'arène de combat (et dont il vaut mieux par sortir, comme on le verra lors d'une mémorable scène d'incendie de forêt), les candidats évoluent chacun à leur manière, tantôt en faisant équipe (c'est le cas des méchants et quelques autres, ce qui donne lieu à une trahison pas vraiment surprenante ni vraiment marquante), tantôt, comme Katniss, la petite Rue (quel nom idiot) et une autre rousse qu'on voit peu mais qui nous fait comprendre que si on lisait le bouquin on verrait qu'elle a de l'importance dans le scénario.
Si la première moitié du film était assez rythmée, et servait de longue mise en haleine, la deuxième est, paradoxalement, plus calme. Alors, bien sûr, il y a des scènes d'action (le fameux incendie de forêt) mais la mort des candidats et la survie en milieu hostile ne sont pas une suite de pugilats dans les feuilles mortes, mais quelque chose de plus insidieux et erratique: tantôt on se cache, on se nourrit, on court, on se blesse, on échappe aux ennemis, on repart en courant, on s'évanouit, etc... D'autant que Katniss s'en prend vraiment plein la gueule: une boule de feu dans la jambe, cinq méchants qui l'acculent dans un coin, des piqûres de guêpes tueuses, etc... On ne s'ennuie pas une seconde, mais ce n'est pas pour autant une bataille rangée mais un épreuve de l'usure et de multiples péripéties plus variées et dangereuses les unes que les autres (dont un cours de camouflage en forêt flippant et un peu ridicule). La réalisation, là plus que jamais, rappelle celle d'HP7, on passe du temps avec les personnages, on en devient un nous-mêmes, on les suit, on entre en eux-mêmes, si bien que la mort de l'un d'entre eux est particulièrement forte...
C'est aussi le moment où un défaut déjà présent depuis le début est le plus flagrant: la caméra épileptique. Après ce que je viens d'expliquer on comprend que c'est pas un film de Michael Bay, et pourtant cette idée de faire bouger la caméra comme si on était un personnage (qui marche très bien en règle générale) donne un gloubiboulga confus lorsque, par exemple, deux combattants se roulent par terre... On comprend rien à ce qui se passe à l'écran, et ça fait franchement mal au crâne... Vraiment dommage, d'autant qu'en-dehors de ça c'est vraiment un point fort du film...

Pour éviter de spoiler de manière immonde le reste du film, on ne pourra que noter l'équilibre du scénario, qui avec cette idée de se concentrer autant sur l'univers et pas seulement sur les hunger games proprement dit, met en valeur des acteurs solides (ou en tout cas bien dirigés) dans des personnages bien foutus pour la plupart (même si peu ont de réelle épaisseur, il aurait fallu une heure de film en plus...).
Avec ça, une atmosphère vivante et propre au film que soulignent une économie des musiques. On se retrouve plongé dans cette forêt, avec ces champions, et on prend vraiment plaisir à suivre leur combat pour survivre, même quand, comme moi, ça fait une heure et demi qu'on a une furieuse envie de pisser.
Et sur ce... je n'ai plus grand-chose à dire à part que là, tout de suite, Hunger Games est un très bon film (qui le sera sans doute moins avec le recul...) et que j'espère sincèrement que Lionsgate pourra lui survivre, parce que moi j'en veux d'autres, des comme ça... Plus qu'à aller voir Avengers et ma semaine sera complète :)

... Mais bon, honnêtement, le combat final est vraiment pourri.
Kikidmakak
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le 14 juin 2012

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Kikidmakak

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