Se libérer des chaînes d'une existence préformattée et respirer, enfin, ce souffle froid de l'Alaska

Bouleversant, rafraichissant, et j'irais même dire " touchant à cet essentiel " , cet essentiel qu'effleure Terrence Malick dans son Nouveau Monde, ce contact primordial avec l'essence de la vie, sans lequel plus rien n'a de sens. Ici, Sean Penn signe une oeuvre de l'art septième surprenante. Pour la deuxième fois après sa prestation dans " She IS So Lovely ", le bonhomme parvient à faire vibrer des cordes rarement jouées.
Son personnage a existé, il s'est imprégné de son histoire. Il s"agit de Christopher McCandless , représentation de ce contraire du modèle que notre société aimerait forger : un être obéissant, productif, esclave, hypocrite ou tout au moins courbant l'échine, inhumain si possible, déconnecté de l'essence et du sens réel de la vie, un être isolé du monde, marchant en parallèle aux autres sans jamais les toucher vraiment, un être insipide et sans âme.
Le personnage central, jeune, refuse un jour totalement ce bonheur artificiel et cette identification du soi à des biens matériels, un compte bancaire ou un statut social, une voiture de marque ou flambant neuf, etc.
Déjà quelque peu marginal avec sa vieille caisse qu'il n'échangerait pour rien au monde, symbole d'un refus de suivre le courant des hommes de ce monde auquel il n'adhère pas, le voilà à mijoter de plus en plus la suite d'une éternelle errance en une existence qui ne trouve de sens que blottie dans les valeurs préétablies, perte des repères essentiels pour un être intègre.

Un jour, une fois diplômé, promis à une vie pré-formattée, confortable, à un chemin de normalité auquel il n'aspire finalement vraiment pas, le voilà à tout plaquer. Toutes ses attaches matérielles, tout ce qui peut le retenir encore dans cet univers qui ne le comprend pas pas plus qu'il ne le comprend.

Et nous voilà parti dans cette quête initiatique où l'aventure est le maître-mot, en quête de l'inconnu, rattaché cependant cette fois à une vie qu'il va pour la première fois peut-être choisir, sans le vernis social, sans le confort, sans cocon et sans parachute non plus en cas de chute. Même si la rue, le froid ou la faim doivent être côtoyés. Ces autres aussi, et ces lois de la nature appréhendées tels qu'elles sont, sans intermédiaire, et toujours baigné de sa passion littéraire et de ses élans romantiques.

Un chemin vers un bonheur peut-être, en attendant de trouver l'ingrédient manquant.
Par ce retour aux sources et cette recherche d'un bonheur et d'une liberté, d'un sens de l'existence également, également, à l'état pur et brut, le voilà cheminant , authentique, à la rencontre de l'autre et de vraie vie, aussi cruelle fût-elle, hostile ou tendre, mais toujours vraie et sincère, projeté dans une fuite en avant sans retour possible dans sa vie d'avant.
L'Alaska vient, àç la rencontre de ses pas. La civilisation s'éloigne et la nature lui ouvre grand ses bras.
Toujours en quête de cet essentiel et bien que tourmenté par l'hostilité et cruauté inhérente de la nature hostile, le voilà déjà plus heureux, plus épanoui, dans fougue d'une vie qu'il réalise plus que d'une jeunesse qui l'excuse...

Au final, ce fut une véritable bouffée d'oxygène : images superbes, road-movie prenant, alchimie entre homme et nature, atteinte ou manquée, mais liberté de réaliser sa vie, de se réaliser, de s'extirper d'une existence que d'autres avaient formaté pour un monde qui ne nous attirait pas à moins d'en déceler le sens caché. Et qu'il trouvera, mais peut-être trop tard, comme si c'était là le prix à payer...
Inutile de dire que les larmes de mes pauvres yeux de spectateur littéralement victime (consentante) de l'image, du son, du réalisateur, de l'histoire, d'un tout formidablement bien ficelé, ne coulaient que pour mieux témoigner des points sensibles immensément touchés par ce que remuait ce même film.
Bouleversant, presque éprouvant. Un écho d'un souffle atavique vers l'identité véritable, vers celui ou celle que l'on est au plus profond.
Un film très humain, plein d'espoir, ( même si il est bien tentant de l'interpréter aussi autrement, selon ce à quoi on s'attache) utilisant la force de la nature et l'intégrité humaine pour conquérir une liberté rare mais exquise.
Ici, on ne se contenta pas d'éveiller mes convictions propres et déjà bien ancrées... On les malmena, les tritura, les tortura, pour mieux finalement les renforcer ensuite et leur ajouter ces soupçons de sagesse, en pleine Alaska, même si ce ne fut pas sans douleur.
Un franc signe de reconnaissance et un brin d'admiration pour le véritable Christopher McCandless ayant inspiré ce film ainsi qu'à Sean Penn derrière la caméra que je trouve décidément très profond, intense et sensible autant que diablement intéressant, à ses heures.
Ce genre de petit film qui ne plaira pas à tout le monde mais qui vous touche suffisamment profondément, pour que vous n'osiez jamais le renier ou ne pas reconnaitre cet effet inoubliable que le cinéma à travers lui vous a procuré.
Fullstorm
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le 26 sept. 2014

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Fullstorm

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