Un film que j’avais vu y’a bien longtemps et que j’avais bien aimé. Depuis, j’ai découvert, dévoré et adoré le livre de Matheson et me suis dit que ça ne pouvait pas faire de mal de retourner sur l’adaptation. Qu’en est-il ? Un sentiment mitigé sur le film, qui s’avère être une mosaïque de pleins de choses. Il n’est pas mauvais dans son ensemble, mais il a d’énormes faiblesses qui plombent le tout. On est très loin de l’œuvre de Matheson, mais on y retrouve quelques idées… Bref, mitigé.


Je vais rapidement revenir sur les points où c’est plutôt facile de se faire un avis. Sur le casting, Will Smith porte admirablement le film sur ses épaules se révélant être non seulement le meilleur mais également le seul à proposer quelque chose d’au moins correct. Sans doute une de ses meilleures interprétations. Le reste du casting n’est qu’une panoplie d’acteurs et d’actrices sans le moindre intérêt ni de véritable consistance. Enfin, sans compter Sam qui nous fait un boulot très remarquable et avec qui on sent une réelle complicité avec Wil Smith.


D’un point de vue technique, le film vieilli plutôt bien (neuf ans déjà) même si la texture de la peau des créatures (aussi bien animaux que monstres) soit un peu limite. Mais dans l’ensemble, c’est très efficace. Les décors bien sûr sont superbes, nous plongeant dans un New-York post-apocalyptique plus vrai que nature. La mise en scène plutôt classique mais efficace, surfant plutôt bien sur les genres horreur et film catastrophe, avec parfois une forme documentaire. Pour finir, une utilisation très intelligente et judicieuse de la musique, alternant entre du Bob Marley diégétique et une composition sublime de James Newton Howard.


L’histoire donc. On peut séparer le film en trois grandes parties. Les deux premiers tiers du film sont incontestablement les meilleurs, et de très loin, proposant une intrigue prenante et palpitante dépourvue de longueurs alors que nous ne faisons que suivre un personnage seul dans une des plus grandes villes du monde. Je pense notamment au premier tiers, d’une redoutable efficacité qui nous plonge directement dans l’action (et avec cette absence totale de musique pendant près de 30 min, surfant ainsi sur le documentaire/survival). On a une véritable introduction de l’univers et des personnages de Robert et Sam, à qui on s’attache très rapidement.


Le deuxième tiers se concentrera plus sur le réel objectif du personnage principal, à savoir trouver des survivants et un remède. Il se conclura parce qu’on pourrait considérer en premier abord par l’élément perturbateur (au bout d’une heure de film), mais il s’agira en réalité d’une conclusion dramatique d’un évènement survenu un peu plus tôt. Un second acte un peu plus court mais tout aussi intense, qui maîtrisera à merveille la tension, plongeant véritablement dans l’aspect « horreur » du film. Sa conclusion sera magnifiquement menée, comme une véritable descente aux enfers d’un héros qui finit par craquer, et on ne peut lui en vouloir parce qu’on aurait sans doute craqué avant.


Bien sûr, l’intrigue s’éloigne beaucoup de l’œuvre originale de Matheson, si bien qu’on la reconnait à peine au final. Exit les vampires pour une créature, une sorte de zombie atteint d’un virus de la rage ou équivalent. Cependant, on retrouve ce côté survival, un peu débrouillard du personnage et, sous une certaine forme, sa volonté d’essayer de comprendre ce qui se passe en étudiant le virus. C’est donc une adaptation certes très libre mais dans laquelle on retrouve néanmoins un peu l’esprit. Une sorte d’adaptation mise à jour dans le contexte actuelle et pour le grand spectacle (un film se déroulant dans une maison de banlieue quelconque… ça n’attirera pas les foules ; en plaçant dans un New-York post 11-Septembre, on joue sur l’imaginaire du public et son traumatisme).


Une petite réserve cependant sur ces deux premières parties, à savoir les flashbacks. Comme dans le livre, on a droit à de petites scènes pour nous ramener à comment le héros en est arrivé là et ce qu’il a vécu. Si chez Matheson, le découpage de cette fameuse nuit avait un sens pour faire monter la pression ; ici, le montage est très mal foutu et il aurait peut-être mieux valu ne faire ça que d’une traite. On perd de l’intensité du truc, même si c’est là pour amener un découpage temporel au récit.


Arrive donc la troisième et dernière partie… Et c’est là que ça part en fiasco total. Sur pratiquement tous les plans. J’ai déjà parlé du casting déplorable, mais c’est pareil pour l’intrigue. Sur l’aspect de l’adaptation pure, on perd tout l’intérêt qu’il y avait à la dernière partie du roman de Matheson, de la tension qu’il insinuait et de sa conclusion à la fois glaçant et magistrale. On perd tout ça pour quelque chose de bateau. Mais même par rapport au film lui-même, c’est navrant.


C’est bourré de longueurs qui s’éternisent, c’est tout juste s’ils réussissent à exploiter l’idée que Robert a été seul pendant trois ans, ça se suit en mode automatique, passant d’une scène à l’autre sans lien (limite si les personnages ne changent pas 4 fois de tenues en moins de 4 heures !). Et puis le final, qui se veut dramatique, perd tout son effet de par la façon dont y parvient, un simple film d’action sans intensité. Et puis la dernière scène… My Spielby, que c’est niais, ridicule et pitoyable…


Au final, Je suis une légende est un film globalement correct mais extrêmement inégal. Il alterne entre intrigue palpitante et brillante et histoire déplorable qui ne réussit pas à se conclure correctement, comme si elle essayait de faire deux heures de films en 40 minutes mais se perdant en chemin. Le film alterne entre adaptation très libre mais cohérente avec massacre absolu de l’œuvre originale. Une véritable mosaïque.


Néanmoins, je ne regrette pas d’être retourné dessus. J’ai vraiment pris plaisir à découvrir les deux premières parties du film et je veux bien croire que ça s’arrête à la conclusion du second acte et oblitérer le troisième, complètement inutile et désespérant.

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le 20 mai 2016

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vive_le_ciné

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