Critique : John Carter (par Cineshow)

Dire que l'adaptation de John Carter était attendue serait un pléonasme. Une attente d'autant plus importante que le projet s'avère être la concrétisation d'un rêve d'enfant pour Andrew Stanton, le réalisateur Oscarisé du Monde de Nemo ou encore de Wall-E. Après Brad Bird et son incroyable Mission Impossible Protocole Fantôme en décembre, Stanton est la seconde « star » de chez Pixar à passer de l'animation 3D à la réalisation live. Un projet tout aussi gros sur le plan marketing mais beaucoup plus important en terme de moyens déployés (250 millions de dollars, un budget pharaonique) et donc en terme de retour sur investissement attendu pour la production / distribution, ici, Disney.

A l'origine, John Carter est l'œuvre du romancier Edgar Rice Burroughs, le créateur de Tarzan. Une œuvre ancienne vis-à-vis de son sujet mêlant fantastique et science-fiction et qui fut un modèle pour beaucoup d'autres. Auteurs et réalisateurs s'y référeront par la suite en empruntant des éléments fondamentaux des volumes du Cycle de Mars pour leurs propres créations. Ainsi, l'adaptation de ce premier volume intitulé théoriquement La Princesse de Mars mais renommé John Carter pour des raisons marketing relevait donc de la mise en image d'un roman culte pour tous les fans du genre et semblait sur le papier réunir tous les ingrédients permettant d'obtenir un blockbuster titanesque absolument jouissif. Malheureusement, malgré tous les talents présents et une bonne volonté visible, le résultat demeure fondamentalement décevant, si ce n'est très décevant.

Comme pour les grandes œuvres épiques qu'il inspira, le roman original s'axe autour d'une trame narrative simple rappelant les grands parcours initiatiques des héros et légendes de notre histoire, opposant le bien contre le mal de manière relativement manichéenne. Des films comme Star Wars (Episode IV) ou Avatar fonctionnent de manière analogue. Sauf qu'en comparaison avec ces deux premières références, John Carter ne prend pas et peine à installer son histoire et ses personnages. Tout ne demeure pas fluide provoquant dès les premières trente minutes un sentiment de longueur et d'incompréhension. Les époques se mélangent sans que l'on ait encore pris le temps de poser les choses ni de s'attacher aux personnages. Une complexité qui nuit à l'introduction du film censée nous plonger progressivement dans le cœur de l'aventure.

Ce n'est qu'une fois sur Mars qu'Andrew Stanton prendra le temps de poser un à un les piliers de son récit. Et ce qui nous est donné à voir est spectaculaire. Les décors de Mars, les costumes, les races de créatures, les vaisseaux, tout s'imbrique à merveille pour donner un sentiment un peu similaire à celui que nous avions pu avoir en découvrant pour la première fois le monde de Pandora dans Avatar. Pourtant, en dépit d'une production-design exemplaire, le film ne sait pas se montrer aussi captivant qu'il devrait l'être. La faute à un manque d'empathie flagrant envers les personnages (y compris John Carter, figure métro-sexuelle à laquelle on s'identifie peu). Car la règle numéro un pour ressentir une quelconque émotion est notre capacité à nous attacher. Or là, nous sommes face à des Reines, des Rois, des Tyrans, tous stéréotypés et sans aucune psychologie ni finesse d'écriture. On ne les connait pour ainsi dire pas tant et si bien qu'ils forment un entourage à notre personnage central assez peu engageant. La palme revient par ailleurs à Mark Strong qui réussit l'exploit d'avoir un personnage encore pire que dans Green Lantern et qui prête à sourire dès sa première apparition... La seule population de Mars qui nous permet de connaître de véritables émotions est celle des martiens verts, personnages à quatre bras (entièrement réalisés en performance capture) auxquels viendra en aide John Carter pour éviter une extermination certaine. On avance donc en terrain confus sans, sans que l'action qui nous est donnée à voir ne se révèle foncièrement spectaculaire même si quelques scènes se démarquent à l'instar de la bataille aérienne à mi-film.

Malgré ses grandes qualités artistiques, John Carter subit involontairement la comparaison avec ses prédécesseurs. Ayant inspiré tout le monde mais sortant en salles de nombreuses années après, on ne pourra s'empêcher de voir à travers le film de Stanton des scènes de Star Wars, Stargate, (oserais-je dire Prince of Persia), Dune et j'en passe. Le patchwork est là et force est de constater que chacune des scènes en référence se voit bien moins efficace ici. Trop rapidement traité, trop rapidement expédié (malgré une durée non négligeable), John Carter est la victime d'une gestion du temps étrangement hasardeuse venant d'Andrew Stanton. Car passé l'introduction particulièrement longue et pénible, la partie centrale très axée sur la romance suit son train-train pour au final laisser seulement 30 à 40 minutes en fin de métrage pour conclure et donner aux spectateurs leur quota d'action (la séquence dans l'arène est expédiée à la vitesse grand V et est suivie immédiatement par la grande bataille finale elle-aussi peu marquante).

Au final, John Carter semble être un film non fini. Soit beaucoup trop long (2h20) car on se surprendra à bailler plus d'une fois, soit pas assez pour laisser à Andrew Stanton pour poser encore plus les choses, les rendre plus claires et surtout développer l'empathie vis-à-vis de ses personnages. Le réalisateur échoue là où il réussissait magnifiquement avec Wall-E ou Nemo à savoir délivrer un long-métrage à plusieurs niveaux de lecture contentant les plus petits mais aussi les plus grands. Ici, même si le fond pourra satisfaire les spectateurs plus âgés, la forme se révèlera résolument tournée vers les plus petits (répliques, sidekicks, personnages annexes si peu creusés). Au final, John Carter apparait comme un mix de plein de films déjà vus, l'intérêt et la surprise en moins. Dommage car cette adaptation était un projet qui tenait à cœur à Andrew Stanton...
mcrucq
4
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le 1 mars 2012

Critique lue 234 fois

Mathieu  CRUCQ

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