Je n'irai plus manger au KFC de si tôt...

S'il y a quelque chose de certain, c'est que "Killer Joe" ne laisse pas indifférent. Son propos est sadique et malsain, sa tonalité noire et ironique, et ses choix de mises en scène sont pour le moins osés.

A vrai dire, nous sommes directement plongés au sein d'une famille recomposée, où un gamin voyou et une gamine mentalement pommée organisent leur quotidien. Le père pourrait presque faire de l'ombre à Homer Simpson et la belle-mère à une prostituée de première catégorie. Quand à la mère, tout le monde veut sa peau, ce qui nous laisse sous-entendre que cette dame n'est pas des plus clean, elle aussi...
Et puis il y a le fameux Joe Cooper, alias Killer Joe. Un flic plutôt beau gosse, très maniéré, l'air propret. Mais sous cette carapace vernie, se cache un sociopathe redoutable. Il faut préciser que ce flic arrondit ses fins de mois en tuant des personnes la nuit.

Voilà. Toute cette jolie galerie de personnages va évoluer ensemble, dans une atmosphère pour le moins malsaine. Chris veut tuer sa mère, récupérer l'assurance-vie de 50 000 dollars, afin de régler ses problèmes de trafics de drogue. Le seul problème, c'est que cette jolie somme doit être partagée, car toute la "famille" est dans le coup. Et il faut surtout payer les précieux services de Killer Joe, qui quant à lui demande à être rémunéré par avance. Le hic, c'est que Chris n'a pas de quoi faire l'avance. Alors Joe va demander une caution en échange : se taper en douce Dottie, la soeur innocente et fragile de Chris.

A raconter cette histoire plutôt alarmante et dérangeante, on peut s'attendre à un film sombre et très dur dans le traitement des faits. C'est le cas, en effet. Sauf que William Friedkin y insère un filtre d'humour, un humour très noir. Cela s'explique principalement par la folie interne de chaque personnage traité, personnages évoluant dans un quotidien pour le moins merdique (pauvreté, insalubrité, alcoolisme, troubles du comportement, etc.). Dès lors, ce sont des personnes instables, marquées à vif. A tel point que le projet de Chris, consistant à tuer sa mère, est interprété comme un acte tout à fait normal et logique.

En constatant avec ironie et gêne la décadence de cette famille, on a presque envie de croire qu'il s'agit d'une farce de mauvais goût. Mais lorsque Joe rentre en scène et investit l'espace vital des Smith, on comprend que l'instabilité de cette famille n'est rien face à la folie de ce flic corrompu.

Alors, avec "Killer Joe", on rit et on s'effraie. Et le plus malsain dans l'histoire, c'est que l'on rit en s'effrayant. Drôle de sensation.
Une scène illustre particulièrement bien cette situation déplaisante : la scène "mythique" du poulet frit. Sans spoiler, je peux vous garantir que cette séquence dérange pour son animosité et sa saleté (d'où le titre de cette critique). En même temps, il est difficile de ne pas rire nerveusement face au comportement démentiel de Joe. C'est le genre de scène où, tout en rigolant, tu te dis : "Non, ce n'est pas possible !".

Oui ce film dérange, mais cela fait tellement du "bien" de se faire bousculer par une fiction. Un constat rendu possible grâce à l'immense performance de l'ensemble de la distribution.
Matthew McConaughey, remarquable dans le rôle de ce sociopathe prétentieux et sadique.
Emile Hirsh, étonnant de crédibilité dans la peau d'un jeune pommé immature.
Juno Temple, le bijou du film : une beauté innocente et fragile, tellement touchante, tant sa naïveté l'aide à survivre dans un univers social violent.
Thomas Haden Church, étonnant de charisme et de sincérité de jeu.
Et Gina Gershon (mon amoureuse dans le film "Bound"), toujours aussi à l'aise dans les scènes les plus difficiles.

"Killer Joe" n'est pas un film comme les autres, c'est pour cela qu'il marque. Il n'y a pas de méchants, il n'y a pas de gentils. Il y a juste des personnes illustrant toute l'animosité et toute la perversité de notre société actuelle. Ici, Friedkin a décidé de la peindre avec brutalité et humour, comme pour nous secouer et nous déranger un peu plus sur la nature humaine.
Car oui, la nature humaine étonne, bouleverse, enchante, apeure... L'homme peut aimer et tuer. C'est un peu ce que concentre et illustre le final redoutable de ce film...
Théo-C
8
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le 12 sept. 2012

Modifiée

le 12 sept. 2012

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Théo-C

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