Mars 2010:

Enfin! Cela faisait trop longtemps que mes yeux et mon coeur n'avaient reçu pareille brassée de fleurs! Un chef d'oeuvre d'une rare pureté. De ceux qui ne laissent pas une seule place à la moindre scorie. Plaisir de voir, plaisir d'admirer, de lire l'image, et puis de pleurer tout de même.

Dès l'abord, la réalisation de Murnau ne cesse de bluffer. Sa maitrise du langage par l'image, son inventivité ainsi que sa capacité à optimiser les effets visuels de l'époque sont épatants. Festival de la forme, le film est un joyau, un grand moment de magie cinématographique et qui ne nous laissent pas une seconde de répit. Dès les premiers plans, cette caméra sur le bateau qui s'élève à l'abord du quai pour laisser apparaitre les bâtisses surplombant le port, on est subjugué.

Les autres miracles se situent dans l'histoire et son traitement scénique. Une histoire d'amour contrariée, en péril, se voit raffermir dans la simplicité et la complicité jusqu'au suspense mélodramatique final.

Alors qu'un paysan connait une histoire de cul torride et passionnée avec une touriste en villégiature estivale, sa femme se désespère de le voir ainsi découcher et l'abandonner peu à peu jusqu'au jour où il est à deux doigts de l'assassiner.

La mortelle monotonie conjugale va se consumer dans des retrouvailles d'une incroyable simplicité. Ce qui le grisait le plus chez son urbaine amante c'étaient surtout les scintillements de la ville, l'éclat des fêtes foraines, la joyeuse trépidation qu'elle lui promettait, l'aura majestueuse et sophistiquée de la grande cité. Or il en vient à poursuivre sa femme effrayée jusque dans cette ville qui représente l'eldorado des émotions, des sensations fortes, si loin de la morne quiétude rurale. Et tous deux se retrouvent dans ce cadre si particulier.

Et Murnau de mettre en scène ses deux comédiens avec une économie de gestes et d'expressions, une mesure du temps d'une époustouflante élégance. Il parvient à littéralement exprimer de sa direction d'acteurs une tendresse qui ne laisse pas d'impressionner. C'est là le plus ahurissant, cette capacité à faire jaillir de l'image avec un montage serein, tranquille, en prenant bien son temps, des sentiments amoureux, un tendre amour.

Totalement à l'opposé, la tempête finale balance des séquences hâchées et ténébreuses pour ensuite laisser les personnages dans des brumes et des courants apaisés mais funestes. C'est admirable. L'écriture est d'une musicalité imparable : charabia qui signifie que ça coule doucement et que le spectateur prend son pied.
Scènes et photographie se marient pour donner naissance à un spectacle rare. 10/10 obligatoire.
Les émotions prennent souvent à la gorge. J'ai laché de l'eau salée à deux ou trois reprises. Je fus eu. J'ai tellement été bouleversé et enchanté que je ne parviens pas à imaginer que quiconque ne soit pas aussi conquis. Je ne saurais trop vous conseiller de plonger dans ce sublime muet.
Alligator
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Top 10 Films

Créée

le 6 avr. 2013

Critique lue 457 fois

7 j'aime

Alligator

Écrit par

Critique lue 457 fois

7

D'autres avis sur L'Aurore

L'Aurore
drélium
9

L'Amour

Autant dire que pour un Schwarzeneggérien élevé aux petits Van Damme, L'Aurore n'est pas le choix le plus évident venant à l'esprit. Il est bon pourtant de se faire violence, de dépasser les préjugés...

le 28 janv. 2011

111 j'aime

10

L'Aurore
Sergent_Pepper
9

Rideau radieux

Faust racontait par le biais de la mythologie allemande la force de l’amour chez les humains ; L’Aurore ne va pas évoquer autre chose, mais le fera par d’autres voies. Auréolé de son succès...

le 26 sept. 2017

95 j'aime

6

L'Aurore
MrCritik
5

Entre Chien et Loup

J'ai vu l'Aurore. Je n'en avais jamais entendu parler avant Sens Critique, pour cause d'inculture totale du cinéma muet, et même du cinéma old school tout court. Je remercie chaudement le site de me...

le 6 févr. 2012

76 j'aime

21

Du même critique

The Handmaid's Tale : La Servante écarlate
Alligator
5

Critique de The Handmaid's Tale : La Servante écarlate par Alligator

Très excité par le sujet et intrigué par le succès aux Emmy Awards, j’avais hâte de découvrir cette série. Malheureusement, je suis très déçu par la mise en scène et par la scénarisation. Assez...

le 22 nov. 2017

54 j'aime

16

Holy Motors
Alligator
3

Critique de Holy Motors par Alligator

août 2012: "Holly motors fuck!", ai-je envie de dire en sortant de la salle. Curieux : quand j'en suis sorti j'ai trouvé la rue dans la pénombre, sans un seul lampadaire réconfortant, un peu comme...

le 20 avr. 2013

53 j'aime

16

Sharp Objects
Alligator
9

Critique de Sharp Objects par Alligator

En règle générale, les œuvres se nourrissant ou bâtissant toute leur démonstration sur le pathos, l’enlisement, la plainte gémissante des protagonistes me les brisent menues. Il faut un sacré talent...

le 4 sept. 2018

50 j'aime