Le bon, la brute et les zombies
Cette critique peut contenir quelques spoilers si vous ne voulez rien savoir du film, foutez-moi le camp. Et allez le voir, au lieu de zoner sur internet.
J'aime pas trop les films de zombie, d'habitude. Romero, Fulci, tout ça, j'ai jamais vraiment kiffé même si j'aime la critique sous-jacente plutôt acide, l'emballage ne me séduit pas vraiment.
Alors ce "Paranorman" (comme d'habitude le titre français est parfaitement raté mais j'ai renoncé à comprendre l'intérêt de traduire pour dénaturer) m'attirait sans plus.
Et pourtant putain ce qu'il fait du bien dans le paysage du cinéma d'animation. Sans être exempt de défaut, il sort un peu des codes consensuels imposés au fil du temps par un Disney qui a fini par s'auto-parodier dans son hypra chiant "Frozen" ou par un Dreamworks empâté dans un "Cinq légendes" à la morale policé et limite nauséabonde (les ténèbres et la peur c'est très laid, planquons-les sous le tapis.)
Paranorman prend le contrepied - certes avec peu de subtilité - en ne mettant en scène que des personnages "hors des clous" confrontés à la tyrannie normative de leurs concitoyens. Si le thème n'a rien de nouveau, il est abordé avec quelques petites trouvailles assez savoureuses (le petit gros vif et philosophe, le culturiste prototype de capitaine d'équipe de foot gay, le fan de zombie et de films d'horreur timide et effacé...). Autre audace, le scénario n'hésite pas à sacrifier une petite fille et à malmener son héros, psychologiquement comme physiquement. Pour un film aussi destiné aux enfants, "Paranorman" propose d'ailleurs plusieurs séquences très impressionnantes et percutantes que ce soit visuel ou symbolique.
Côté rythme, on note cependant pas mal de problèmes : il se passe beaucoup de choses pendant le film, beaucoup d'émotions, beaucoup de retournements de situations et de séquences "choc" si bien que le spectateur a le sentiment qu'aucun instant ne lui est laissé pour souffler. Une fois l'introduction terminée, "Paranorman" est une espèce de longue séquence d'action sans temps mort. On ressort de là un peu saoulé, il eut été préférable que le film soit un peu plus long et prenne davantage le temps d'installer ses personnages. Là où son cousin proche, "Coraline" était progressif, "Paranorman" se précipite, se rue même pour ne rien oublier, si bien qu'on a à peine le temps de profiter de ses personnages et son humour ou encore du très beau travail visuel effectué par l'équipe pour les décors, l'ambiance ou l'animation. Il est dommage qu'un travail aussi soigné soit éclipsé par un scénario qui prend davantage des allures de rallye que d'histoire qu'on raconte.
L'autre problème de "Paranorman", c'est précisément sa qualité première, à savoir sa volonté de faire du droit à la différence et du danger de stigmatiser son message phare. Il veut tellement bien faire que ce message, administré à grands coups de poing, finit par être la seule chose qu'on retient du film, à savoir "JE NE SUIS PAS CONSENSUEL". Le fait est que si. Quand même un peu. De manière subtile et parfaitement digeste, mais on échappe pas à la fin tout-le-monde-est-gentil-et-se-roule-des-pelles-tout-est-pardonné, qui prévaut hélas toujours. Sur ce plan également, "Coraline" était plus fin.
"Paranorman", c'est une chouette bouffée d'oxygène, un chouette message enrobé dans un visuel travaillé et un univers bourré d'humour qui crie son amour du film de zombie, c'est un petit peu de Coraline, un petit peu de Tim Burton, un petit peu de Carpenter et des bouts de zombie...Mais c'est un film qui veut trop bien faire et manque un rien de subtilité pour être parfait. Reste qu'il mérite le détour.