« L’Odyssée de Pi » est un film d’Ang Lee, sorti en 2012, adapté du roman « Life of Pi », du canadien Yann Martel, publié en 2001. Le film fut l’œuvre la plus récompensée aux Oscars 2013, remportant entre autre le prix de la meilleure photographie et de la meilleure réalisation.


Piscine Molitor ‘Pi’ Patel naît à Pondichéry, où son père possède un zoo. Son nom, un hommage à une piscine parisienne jadis explorée par son oncle, lui vaut les moqueries de ses camarades, jusqu’à ce qu’il impose le diminutif ‘Pi’ à son entrée au collège, récitant avec succès des centaines de décimales du nombre π.


Elevé dans l’hindouisme, Pi, qui fait preuve d’une grande curiosité religieuse, découvre progressivement le catholicisme et l’islam, et choisit de concilier les trois croyances, au grand dam de son père, athée convaincu. Alors qu’il est encore adolescent, les difficultés financières rencontrées par sa famille amènent le père à vendre le zoo : la famille et les animaux embarquent à bord d’un cargo japonais à destination du Canada.


Une nuit, alors qu’il n’a quitté Manille que depuis peu, le navire est pris dans une forte tempête et coule. Pi en réchappe de justesse, et se retrouve à bord d’un canot de sauvetage, en compagnie d’un zèbre blessé, d’une femelle orang-outang, d’une hyène affamée, et enfin et surtout, d’un terrifiant tigre du Bengale adulte, Richard Parker. La cohabitation s’annonce orageuse.


On peut découper le film en deux grandes parties. La première introduit les personnages, établit la psychologie de Pi (et notamment son rapport à la foi et la religion), et plante le décor. La seconde constitue quant à elle l’odyssée du garçon et du tigre, seuls sur un rafiot à la dérive.


J’abordais « L’Odyssée de Pi » avec des aprioris plutôt négatifs. Le vague souvenir de quelques bandes annonces outrancièrement pompières et d’une flopée d’Oscars glanés lors de la cuvée 2013 me rebutaient sans trop savoir pourquoi. Après la lecture de quelques critiques, l’apparition du film dans le top 10 d’un de mes éclaireurs et une connexion internet particulièrement récalcitrante qui m’a empêché de voir le film prévu (« Mon Oncle », mais ce n’est que partie remise…), je me suis rabattu sur Pi, sans avoir de grandes attentes.


Et, dès le début, je suis captivé. Dès les premières minutes du générique, la beauté visuelle de l’œuvre saute aux yeux. La première partie est un quasi sans faute, d’une grande richesse aussi bien dans son contenu (les anecdotes, le questionnement sur la foi et la compatibilité des religions, intéressant et original) que dans son emballage : la découverte d’un Pondichéry lumineux et éclatant, aux couleurs vibrantes et aux paysages magnifiques est un enchantement.


Passée cette introduction presque parfaite, l’on en vient à retenir son souffle et à espérer que le reste demeure de cette qualité.
Autant le dire tout de suite : ce n’est pas le cas. Globalement, l’histoire de la survie en mer de Pi demeure intéressante, originale – la cohabitation avec un prédateur de trois cent kilos de muscles n’est jamais une chose aisée – et bien traitée. Il y a quelques véritables moments de grâce, et Ang Lee, bien aidé par la société d’effets spéciaux R&H (qui fit banqueroute et fut malencontreusement oubliée par le réalisateur dans son discours d’acceptation de l’Oscar, mais nous n’en parlerons pas ici), réussit à rendre crédible à l’écran la férocité et la puissance sauvage du tigre, dont les sporadiques éclats de violence sont vraiment spectaculaires.
Malheureusement, au bout d’un moment, le récit de survie finit par tirer en longueur. Lorsque l’on a épuisé tous les ressorts dramatiques du naufrage et de la dérive en mer (et, il y en a BEAUCOUP), il est temps de conclure l’histoire… Ce qui faisait aussi le charme de la première partie, à savoir une photographie époustouflante, perd évidemment de son intérêt lorsque l’on est en pleine mer et qu’il n’y a que de l’eau à perte de vue (on pourra toutefois arguer que la beauté sauvage du pelage fauve du cousin de Hobbes vaut tous les paysages du monde).


Au final, « L’Odyssée de Pi » constitue une très agréable surprise. Bien construit, doté d’une photographie magnifique – hormis quelques incartades un peu trop démonstratives… on pourra regretter les méduses fluorescentes – et d’un récit de survie en mer, qui fonctionne à défaut d’être passionnant. Le film sait trouver le bon équilibre entre une certaine légèreté et quelques touches d’humour, des séquences plus graves, et aborde des thèmes intrigants : un questionnement passionnant sur la foi et les religions (un sujet particulièrement actuel, je trouve), et, dans une moindre mesure, la relation de l’homme et de l’animal.
Une première partie d’exception, un récit de survie correctement maîtrisé, quelques jolies indiennes, une image magnifique et un tigre du Bengale furieux, que demande le peuple ? (Bon après, moi j'aime les maths, un film qui parle de "Pi" va forcément m'interpeler...)

Aramis
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le 23 juin 2015

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Aramis

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