Une carrière dans l'impasse, un amour de gagné

Billy Wilder, Jack Lemmon et Shirley MacLaine : un trio charmeur, enthousiaste et qui aboutit à la Garçonnière. Un film ou la romance et l'humour ne font qu'un, grâce aux talents du réalisateur américain qui sait définitivement ce qu'il faut faire dans le domaine, depuis Certains l'aiment chaud. D'une histoire banale, on débouche sur un très bon film, bien loin de la comédie romantique actuelle, intelligent, où les situations sont cocasses mais plausibles.

Jack Lemmon joue le rôle d'un bon bougre travaillant pour une grande compagnie d'assurances américaine et qui peine à avoir de l'avancement. Pour parvenir à ses fins, outre des efforts dans le travail, notre héros choisit un raccourci assez peu orthodoxe : prêter son appartement à ses supérieurs, à tour de rôle afin qu'ils puissent y amener leurs maîtresses et rompre les liens sacrés du mariage avec de jolies jeunes femmes. De ce point de départ, on voit des situations drôles se suivre pendant une bonne partie du film sans que cela ne mène à une redondance forcée et qui aurait pu plomber le film. Jack Lemmon se laisse faire et porte même le chapeau quand ses voisins se plaignent : c'est jouissif, la figure et l'intonation de l'acteur suffisent à déclencher le rire et on en redemande. Et même si finalement la situation initiale du bon gars qui se fait avoir est assez classique, on se laisse aller à apprécier un film divertissant mais ô combien inférieur à d'autres.

Inférieur si le propos s'arrêtait là. Mais Billy Wilder va plus loin : Baxter/Lemmon va tomber amoureux de la liftière qui a en fait une relation avec son patron. Et c'est là la valeur ajoutée du film : le bon bougre tombe amoureux, on connait tous ça, est rejeté par l'être aimée sans pour autant savoir ce qui se passe dans son dos. J'adore. Jack Lemmon est maladroit, manque de tact sans même s'en rendre compte et peine à comprendre la réalité de sa situation jusqu'à un certain réveillon de Noël où il s'aperçoit de l'amourette (qui bat déjà depuis longtemps de l'aile) entre le grand patron et sa dulcinée. De là, le film prend une toute autre tournure et gagne à être vu, le huis clos de l'appartement durant une scène très longue rapproche les êtres, on ne voit pas pourquoi il ne lâche pas le morceau et c'est l'incompréhension qui règne. Une sorte de relation inexistante et pourtant sur le point d'exploser : les deux tourtereaux se tournent autour, sans gags salaces ou grossiers, les dialogues sont divins et tout ce qui sort de la bouche du couple vedette fait mouche.

Bien sûr, beaucoup de caricatures, comme c'est souvent le cas, le patron est un salaud fini, Baxter est un ange et Shirley MacLaine est une ingénue tout ce qu'il y a de plus charmante. Et si le film ne mérite pas plus de 8/10 c'est parce qu'après un huis clos dans la fameuse garçonnière, l'histoire traine un peu et le héros met trop de temps à réagir, pour gagner l'élue de son cœur. Même si on comprend bien que le monde du travail à cette époque est très difficile, de par la demande offerte par une population pas forcément qualifiée mais apte à apprendre très vite et donc à prendre la place de quiconque et qu'il s'agit là d'une critique ouverte de cette société du travail et de l'avancement par tous les moyens, on ne voit pas trop l'intérêt de souligner une fois de plus la situation difficile de Baxter.

Voilà donc le seul vrai point négatif du film, le reste n'étant que tout à fait savoureux et à revoir encore et encore. On aime ou pas, ça ne change rien, les comédies romantiques comme celle-ci, je les aime, j'en redemande. Si seulement on pouvait encore nous proposer de la fraîcheur sur nos écrans, nul besoin d'être un professionnel pour comprendre que le genre reprendrait du galon dans l'univers cinématographique et prouverait qu'on peut faire d'une amourette pour minettes un film intelligent, unique en son genre. Merci M. Wilder, de nous rappeler que ce fut le cas un jour.
Carlit0
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le 8 mars 2012

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Carlit0

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