Film sur un thème qui ne fut que trop de fois repris, La Liste de Schindler est devenu un classique du genre. Je ne sais s'il y eu déjà auparavant d'autres films sur le même thème mais on se laisse croire qu'il est l'initiateur du genre du fait de son excellente réalisation.
Inspiré d'une histoire vraie et adaptée d'un roman, Spielberg avait la lourde tâche de reproduire avec fidélité les caractères et l'ambiance générale de l'histoire. Les évènements se passent durant la seconde guerre mondiale, plutôt vers la fin et relate comment un nazi va se démarquer de ses compatriotes en sauvant le maximum de juifs qu'il peut tout en faisant croire qu'il les exploite, avec malgré tout plus de retenue.
Des films sur la seconde guerre mondiale il y en a eu pas mal, mais à ma connaissance c'est bien le premier qui place en tant que héros un nazi. Un paradoxe sur lequel Spielberg insiste beaucoup et dont on a du mal à en croire la réalité.

Oskar Schindler est un industriel Nazi qui est parvenu à extraire des juifs de leur condition de déportés pour qu'ils travaillent pour lui dans une usine de fabrication d'armes. L'histoire met en avant la possibilité qu'un nazi puisse être humain et ait les convictions de ne pas suivre bêtement les ordres que lui donnent ses supérieurs. Dans l'histoire, les nazis ont été les auteurs de tels massacres qu'ils furent considérés comme étant tous les pires personnes de l'histoire. Mais dans ce film c'est le caractère opposé qui est mis en avant grâce à Schindler, qui, après avoir vu les atrocités entreprises à l'encontre des juifs, n'accepte pas cette totale inhumanité et va même chercher à changer le caractère des personnes qui l'entourent, notamment Amon Göth, le nazi tortionnaire et un peu fou. Mais le personnage de Schindler ne fait pas complètement office de figure d'exception, notamment durant les dernières minutes où il annonce la paix déclarée et invite les soldats à faire ce qu'ils veulent des prisonniers et que ceux-ci se contenteront de partir sans leur faire de mal, montrant que même si les convictions ne suivaient pas, tous les nazis n'approuvaient pas les actes qu'on leur ordonnait de faire.

Outre l'opposition entre nazisme et humanisme présenté à même l'histoire, Spielberg intensifie cette opposition grâce aux techniques de mise en scène employées. En effet, le film étant en noir et blanc, cela accentue considérablement l'oppression, la peur et le malaise que l'on pouvait ressentir à l'époque. Cependant tout le film n'est pas intégralement en noir et blanc, tout le monde évoque le passage du manteau rouge d'une petite fille juive qui s'étale sur 3 séquences, cependant le film contient au total 3 autres scène comprenant des couleurs: Une au tout début sur la cérémonie du shabbat qui introduit le contexte et l'enjeu principal du film, les juifs; celle du manteau rouge évidemment qui symbolise la survie au milieu d'un amas d'atrocités et l'espoir de ne pas encore faire partie des décombres; un passage vers la fin où la couleur est appliquée sur la flamme d'une bougie, se rapportant à la toute première scène puisqu'elle célèbre cette fois le shabbat qui symbolise l'accomplissement d'une forme de résistance et le retour à la paix; et enfin la tout dernière scène centrée sur la tombe d'Oskar Schindler qui montre enfin le retour définitif à la paix et le souvenir d'un héros de la nation.
En terme visuel, l’affiche du film tient également un rôle important. Selon moi l’une des plus belle du cinéma, elle montre une poignée de main entre un nazi (Oskar Schindler) et un juif (en l’occurrence sûrement Itzhak Stern), prouvant la possibilité d’amitié entre deux partis opposés et le fait qu’au sein d’un groupe, tous les acteurs ne pensent pas la même chose.

L'effet visuel n'est cependant pas le seul à être mis en avant puisque la sonorité joue également un rôle très important. Celle-ci étant très diversifiée plonge à la fois avec une grande efficacité le spectateur dans le monde que le film relate mais accentue également chaque passage avec une composition parfaitement bien choisie, allant de chansons chantées en hébreu à l'excellent talent, dont la réputation n'est plus à faire, de Sire John Williams, tout en passant par une chanson en Yiddish. Notamment sur quelques passages humoristiques où la musique incite la situation au comique et nous force à rire d'un thème malheureux. Ce paradoxe rend l'humour malsain et oblige au spectateur de prendre du second degré à ce sujet. Nous pouvons donc associer cet effet de paradoxe à celui du caractère du héros qui parvient dans une moindre mesure à ridiculiser son propre parti (le parti nazi) puisqu'en plus de détourner des juifs du déportement, il organise sa propre faillite en produisant exprès des munitions inutilisables pour enrayer la production et diminuer l'efficacité de l'armée allemande.

Pour résumer, Steven Spielberg confirme ici son talent de réalisateur en adaptant à la perfection une histoire très dure et encore maintenant peu évoquée dans un film finalement tout publique grâce à différents choix techniques qui allégeront les sentiments d'empathie et de compassion mêlés au malaise que l'on pourrait ressentir en regardant ce film et qui permet une totale immersion dans l’histoire de celui-ci. Une perle sans équivoque du cinéma.

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le 11 nov. 2012

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Notry

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