Malgré les années, le film garde une certaine teneur artisitique, grâce à l'utilisation judicieuse du costume et du maquillage plutôt que les affreux effets spéciaux (qui semblent déjà datés) du dernier épisode en date. Dans les décors désertiques, on y retrouve la même démarche de valorisation des couleurs par la lumière que dans le début de 2001 (avec des singes là aussi).

Mais s'il est impressionnant, c'est surtout de par sa diatribe pré-seventies contre une société déjà bouffée par l'avarice et l'ambition. Consommation effrénée, carnassière ; xénophobie, bellicisme et esclavagisme de l'animal y sont maltraités sous l'angle d'une re-création civilisationnelle par les primates.

Qui sont les barbares ? Ceux qui ne peuvent pas parler ou ceux qui ne peuvent être compris ? Ou plutôt les dominants qui tuent, pillent et violent les dominés, en allant jusqu'à les manger en les passant du statut d'être vivant à objet ? "Heureusement qu'ils sont végétariens", s'exclame Heston, comme s'il fallait éveiller un tant soit peu les consciences. Pas qu'il s'agisse de transformer chaque spectateur en végétarien affamé de poireaux soudain converti à la cause animale, mais surtout de signifier qu'un autre mode d'alimentation est possible en-dehors de la carne ; comme pour atténuer la portée d'un mode d'alimentation mondialisé et totalitaire.

Ce n'est qu'en abordant le film sous cet angle qu'on peut lui pardonner ce qui peut d'abord être perçu comme des faiblesses du background SF, mais qui sont ensuite envisagées comme éléments constitutifs de la diatribe envers l'humanité, et la société américaine en particulier. Les singes y parlent anglais et ont exactement la même organisation en société : système judiciaire, différentes couches socio-professionnelles, vêtements pour la distinction des castes, domestication des chevaux comme montures etc etc.

Tout y passe, si bien qu'on ne sait plus vraiment qui sont les meilleures personnes, comme le personnage que joue Heston aime à le rappeler. Sont-ce les singes, dont la dangerosité pour leur environnement, héritée de leurs ancêtres les hommes, est sérieusement limitée par leur technologie spartiate ; ou sont-ce (j'adore cette inversion) les humains, qui par leurs connaissances scientifiques ont su contrôler la nature au point de la "dénaturer", mais qui une fois en position de proie se doivent d'être les plus exemplaires en colportant de nouvelles valeurs morales ?

En somme, La planète des singes est à la SF ce que Dawn Of the Dead (de Romero) était à l'horreur. Un moyen de réfléchir notre vie sociale par le biais de la fiction.
Adrast
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le 11 juil. 2012

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