Nous sommes un grain de poussière dans la galaxie

Relativement fidèle au roman de Pierre Boulle dont il est adapté, le film est devenu un grand classique de la science-fiction. Il est vrai que malgré certains aspects datés dus à son âge, plus de quarante ans, cette fable anti-militariste, garde sa force de conviction toujours intacte.

La première partie est parfaitement maîtrisée. Bien inspiré par les grands espaces offerts à lui, Schaffner use de tous ses talents pour nous restituer le calvaire de ces 3 hommes traversant la "Zone Interdite". Il lui a souvent été reproché d'illustrer avec platitude les bons scénarios qu'on lui fournit, mais ici il déploie toute une panoplie d'effets fort à-propos, et parfois étonnants pour un film de science-fiction grand public: caméra à l'épaule, cadrage osé, utilisation de la lumière du soleil et surtout des paysages magnifiques. Soutenue par la musique angoissante et envoûtante de Jerry Goldsmith, cette séquence d'ouverture est toujours aussi impressionnante.

A partir du moment où Taylor est capturé, on revient à une facture plus classique, pour mieux appuyer le discours sur la tolérance et le pacifisme. Les décors sont toujours aussi bien exploités: l'atmosphère poussiéreuse, les maisons troglodytes dédaléennes donnent lieu à des scènes haletantes comme, par exemple, la poursuite dans la ville puis dans le musée de l'homme. Les maquillages sont tout aussi réussis, rendant très bien les expressions sur les visages simiesques, et même si les costumes un peu ridicules des singes et les peaux de bêtes des hommes donnent cet aspect kitsch que certains reprochent au film, ils apportent aussi un charme désuet de science-fiction à l'ancienne.

Mais le plus important dans le film n'est pas dans la forme mais dans le message de tolérance qui rend le film encore plus attachant. Pierre Boulle voulait dans son roman dénoncer la bêtise humaine, et notamment les guerres à répétition, la course à l'armement, la perversion par l'homme de toute avancée technologique. L'inversion des rôles donne une grande force à la dénonciation tout en évitant l'écueil du sentimentalisme ou du discours moralisateur. Elle fait rejaillir l'absurdité de notre monde, trouvant un allié de taille en Taylor, cynique utopiste qui a participé à la mission pour fuir la Terre.

La société simiesque est organisée en castes où les orangs-outans représentent le pouvoir politique et religieux, les gorilles les militaires, les chimpanzés les scientifiques et les intellectuels. Ce découpage renforce le trait mais permet aussi de rendre le discours plus clair. Les malins chimpanzés Zira et Cornelius sont des savants talentueux et novateurs, et leurs théories dérangent les orangs-outans, qui campent sur leurs préjugés, accrochés qu'ils sont au texte fondateur de leur civilisation, sorte de Constitution pour les Singes, dont la rigidité empêche toute évolution technologique ou sociale. Ils devront se battre, avec l'aide de Taylor, pour que la société des singes tente de réévaluer la condition de l'homme, rappelant certaines situations politiques à l'époque du film: ségrégation raciale aux Etats-Unis et en Afrique du Sud avec l'Apartheid. Le simulacre de tribunal tenu par les orangs-outans rappelle ainsi les condamnations expéditives de citoyens noirs aux Etats-Unis, ainsi que les procès de l'Inquisition ou la chasse aux sorcières.

La charge contre l'armement, et notamment le nucléaire, est également assez violente, mais sans appuyer le trait là non plus. La scène finale est toujours un choc et enfonce le clou de belle manière. Même si la découverte que fait Taylor n'est pas une surprise, cette ultime révélation, qui n'est pas dans le livre original, possède une force, un lyrisme, qui en font une très belle conclusion.
Lorelei3
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le 15 sept. 2011

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Lorelei3

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